Teddy RINER, judoka français à la renommée internationale, répond aux globe-reporters et globe-reportrices.
Éducation, jeunesses et sports
Les rédacteurs et rédactrices en chef de l’école Alquier DEBROUSSE souhaitent dresser le portrait du judoka multimédaillé Teddy RINER. Dix fois champion du monde et deux fois champion olympique, le sportif est actuellement en pleine préparation de Jeux olympiques de Tokyo où il espère remporter de nouvelles victoires.
Pour entrer en contact avec lui, notre envoyée spéciale, la journaliste Chloé DUBOIS, essaye différentes pistes. Elle envoie des mails sur son site internet, téléphone à la Fédération nationale de Judo ou encore contacte son attachée presse. C’est cette dernière, Laurence DACOURY, qui rappelle Chloé pour organiser un entretien.
Mais l’emploi du temps du judoka est très serré. Ces journées entières sont consacrées à l’entraînement. Il n’existe qu’un seul créneau dans la semaine réservé aux journalistes et les demandes d’interviews sont nombreuses. Laurence propose, pour être sûre que les globe-reporters et les globe-reportrices aient bien les réponses à leurs questions, de poser elle-même les questions et de faire parvenir les réponses à notre journaliste par écrit.
Chloé accepte et demande quelques photos de Teddy RINER pour que les rédactions puissent illustrer leurs articles. Quelques jours plus tard, l’attachée presse du sportif fait parvenir, comme convenu, texte et photos à notre journaliste, en espérant que cela sera utile pour imaginer un portrait original du célèbre judoka.
Pouvez-vous vous présenter et nous expliquer pourquoi et comment vous avez choisi de faire carrière dans le judo à haut niveau ?
Teddy RINER : J’ai toujours été très actif. Lorsque j’étais enfant, c’était un casse-tête pour ma mère qui devait trouver des solutions pour que je sois fatigué le soir ! Alors j’ai pratiqué de nombreux sports. Je crois que j’ai tout essayé, de l’athlétisme en passant par l’escalade ou même la danse. Mais deux sports sont restés : le foot et le judo. J’ai dû faire un choix, car je commençais à avoir de bons résultats dans les deux disciplines et il y avait de plus en plus d’entraînements.
J’adorais le foot, mais j’avais du mal à accepter de perdre quand ce n’est pas complètement de ta faute – c’est le principe des sports collectifs et c’est ce qui est très beau : être ensemble dans la défaite et dans la victoire. Mais à l’époque, j’étais sans doute trop jeune pour le comprendre.
Et puis, je gagnais aussi beaucoup au judo. J’adorais l’ambiance, le rituel de cette discipline puisque j’y allais avec mon frère. En fait, mon choix s’est fait naturellement, comme ça.
Comment s’est déroulée l’année 2020 ? Il paraît que vous avez beaucoup travaillé et entamé un nouveau régime alimentaire. Pourquoi ?
J’ai choisi, après les JO de Rio, de faire une pause. Je m’entraîne énormément depuis que j’ai 15 ans. Mon corps et mon esprit avaient besoin de se ressourcer pour tenir dans la durée. J’avais décidé d’aller jusqu’aux JO de Tokyo et peut-être même jusqu’à ceux de Paris. Mais une carrière, ça se gère. Et ce répit était nécessaire pour y parvenir.
Le seul problème, c’est que j’ai vraiment relâché mes efforts et que mon année sabbatique s’est transformée en 2 années. J’ai pris beaucoup de poids et logiquement j’ai mis du temps à revenir. J’ai aussi eu quelques blessures, probablement liées à mon manque de forme. Il a donc fallu que je prenne les choses très au sérieux, que je m’inflige un régime draconien et des entraînements réguliers et costauds pour revenir à un bon niveau.
En janvier 2021, j’ai gagné le Grand Prix de Doha qui s’est déroulé avec les meilleurs judokas mondiaux, ce qui est bon signe. D’autant que pour la première fois depuis 4 ans, je suis sous la barre des 140 kg mon poids de forme, ce qui me donne la possibilité d’être mobile et de pratiquer mon judo.
Comment se passent vos routines d’entraînements ?
Cela peut être très varié. Tous les jours, il y a deux grosses séquences en général : la préparation physique et un entraînement de judo.
Sur les semaines plus « cool », de récupération comme on dit, je peux aussi faire de la natation, du tennis ou même du foot ! C’est pour avoir un peu de variété et que l’entraînement soit un peu plus ludique. La variété, ça permet aussi de nous oxygéner la tête, de ne pas être toujours dans le dur.
Est-ce que vous voulez prendre votre revanche sur Kokoro KAGEURA ?
De mon point de vue, il n’y a pas de revanche en sport. Si on perd un match ou un combat, on ne le gagnera plus. Mais si je retrouve Kokoro KAGEURA sur mon chemin, que ce soit aux JO ou ailleurs, je vais bien évidemment essayer de gagner ce combat, et particulièrement celui-là.
Quel est votre objectif aux Jeux olympiques de Tokyo ? Êtes-vous confiant ?
Je mets tout en œuvre pour me dire « tu es prêt », « tu as tout fait pour être là aujourd’hui », « tu peux défendre ton titre avec tous les atouts en main ». Mais un combat n’est jamais gagné d’avance. J’y vais pour gagner, mais l’histoire de cette journée reste à écrire. Je travaille pour ça.
Comment fait-on pour être qualifié à des Jeux olympiques ?
C’est ton pays qui, via son comité olympique, t’engage sur une liste proposée par ta fédération. En judo, il y a un représentant par catégorie - sauf pour le pays qui reçoit qui, lui, peut en engager 3.
Il faut ensuite participer à toutes les compétitions que la Fédération internationale met au programme et qui déterminent ce que l’on appelle un ranking mondial. Les athlètes les mieux classés dans ce rang évitent les tours de qualifications qui se déroulent tôt le matin. C’est ce que je vais essayer de faire cette année.
En ayant gagné à Doha, je gagne des points pour le ranking, mais une ou deux autres compétitions de plus seront sans doute utiles avant les JO pour monter dans le classement et m’assurer de ne pas disputer tous les tours.
Allez-vous participer aux JO de Paris en 2024 ? Aimeriez-vous ?
C’est beaucoup trop tôt pour le dire ! J’adorerais finir ma carrière devant notre public, ici en France, ce serait une telle fête ! Mais c’est mon corps et ma tête qui décideront. Faire les JO de Paris, c’est un vrai choix de vie pour les trois prochaines années. Alors on en reparlera après Tokyo.
Qu’est-ce qui est difficile dans la pratique du sport à haut niveau et qu’est-ce qui vous plaît le plus ? Comment gérez-vous la pression avant une compétition ?
En fait c’est un état que j’aime bien – il se passe plein de choses, c’est intense. Nous avons la chance de pouvoir vivre ces moments privilégiés alors, même si on dort moins bien la veille des compétitions, même si on est inquiet, on apprend à se concentrer sur l’objectif, sur son judo.
Je travaille avec une psychologue depuis que j’ai 15 ans pour penser à tous les paramètres qui pourraient handicaper ma quête de performance. Travailler sur la gestion du stress, ou la pression fait partie de notre travail.
Pendant ma journée de compétition, j’ai mes rituels. Cela va du moment où je prépare mon sac, ce que j’y mets jusqu’aux titres de musique que j’écoute pendant l’échauffement et les personnes qui m’entourent. Ce sont des repaires.
À quel âge les sportifs comme vous prennent leur retraite ? Et que pensez-vous faire après ? Aimeriez-vous devenir entraîneur ?
Tout dépend de la carrière que tu as menée, de la discipline que tu pratiques. Les sports d’endurance peuvent être pratiqués plus longtemps par exemple, car ils sont moins traumatisants pour le corps. Si tu as été beaucoup blessé aussi, cela va influer sur ta longévité et ta carrière. Plus tu vieillis, plus ton hygiène de vie doit être irréprochable, car les écarts, à partir d’un certain âge, coûtent deux fois plus cher.
Si tu t’entraînes régulièrement, sans blessure ou interruption, si tu manges sain et correctement, si tu récupères bien, et surtout, si tu as encore l’envie, alors il n’y a pas de raison pour que tu ne puisses pas être au plus haut niveau.
En ce qui me concerne, j’ai 31 ans et j’évoque une participation aux jeux de Paris en 2024. Je n’ose pas faire le calcul, mais c’est possible. Surtout si tous les éléments que je viens de citer sont respectés. Mais ce sont des choix de vie, et cela peut être difficile quand on a une famille. On verra bien. Avant 2024, il y a Tokyo et je ne parle pas de retraite avant.
Être entraîneur ne m’a encore jamais tenté, même si j’aime beaucoup accompagner les jeunes quand ils arrivent au sein de l’équipe. J’aime être le grand frère. Donc pourquoi pas ? Mais je pense que je me dirigerais plutôt vers une vie d’entrepreneur. J’adore les challenges et ce que ça représente, l’idée de créer son entreprise.
Est-ce que les autres membres de votre famille sont aussi très grands ou êtes-vous le seul ?
Oui, tout le monde est grand ! Surtout mon papa, Moïse, et mon frère. Tous les deux mesurent près de 1,90 mètre. Ma maman fait plus de 1,70 mètre et ma sœur 1,80 mètre.
Où trouvez-vous des chaussures à votre taille ?
Pour la partie sportive, mes partenaires équipementiers, comme Under Armour en ce moment, les réalisent sur mesure. Dans la vie de tous les jours, c’est vrai que ce n’est pas simple. Mais aujourd’hui, j’ai la chance de voyager beaucoup et dans certains endroits, il est plus facile de trouver chaussures à mon pied ! Je chausse du 49,5.
Avez-vous un message à faire passer aux globe-reporters ?
Bien sûr ! Je tiens à vous encourager : vous avez choisi une très belle voie. Je vous souhaite d’aimer profondément ce que vous faites et de bien le faire. Dans votre métier, et avec un monde qui tourne vite, il faut être très attentif à la vérification des informations, c’est aujourd’hui une des choses les plus difficiles du métier de reporters avec l’avènement des réseaux sociaux et de l’information qui doit être donnée en permanence.
Un scoop c’est bien, c’est aussi passionnant. Produire un beau sujet, bien travaillé, c’est comme gagner une belle médaille. On doit être heureux du travail accompli et du résultat obtenu.
Une interview réalisée en janvier 2021