Georges P, Georges K et Fivos de la rédaction du collège de Koropi s’interrogent sur la réaction des citoyens roumains face à la pollution des rivières par le plastique. Alexandra TOMESCU de l’ONG Mai Mult Verde répond à leurs questions.
Environnement et transition énergétique
Globe-reporters du collège de Koropi près d’Athènes, Georges, Georges K et Fivos ont sans doute voulu aller plus loin que les clichés entourant la Roumanie en abordant ce sujet qui fait plus que tâche aujourd’hui : la pollution de l’eau. Pays de montagnes, la Roumanie est aussi un pays d’eau. Le Danube traverse le pays sur plusieurs centaines de km avant de se jeter dans la mer Noire dans le Delta du même nom. Il y a aussi les nombreuses rivières dont beaucoup alimentent le Danube.
Ce ne sont pas les images d’Épinal qui attiraient nos jeunes grecs, mais bien celles de ces cours d’eau remplies de déchets plastiques voguant vers d’autres cieux, quand ils ne s’empilent pas au bord des rivières. Des images virales sur internet qui provoquent peu de réactions de la part des autorités et des citoyens. Très peu de rivières y font exception, encore moins à proximité des habitations. Symptomatique du fléau : toute rivière se trouvant à proximité d’un site naturel un brin touristique est très souvent remplie là aussi de déchets par des touristes peu scrupuleux qui ne réalisent pas que ce qu’ils laissent sur place a un impact non seulement visuel, mais aussi sur leur santé et celle des écosystèmes en général.
Dans ce triste panorama, la commande de nos trois jeunes athéniens est donc simple : évoquer la pollution au plastique des cours d’eau roumains en s’interrogeant au passage sur la réaction des citoyens et des autorités.
Le journaliste Sébastien RIBOUT, notre correspondant en Roumanie, doit donc mettre la main sur un acteur de terrain, témoin de la réalité de cette pollution. Plutôt qu’opter pour un homme de bureau, retranché derrière ses chiffres, Sébastien choisit une militante écologiste dont le combat est de changer les mentalités autour de la pollution et de l’eau en particulier.
Alexandra TOMESCU a 39 ans et est bucarestoise. C’est le fait qu’elle ait réalisé une recherche portant justement sur la pollution au plastique de l’une des rivières les plus connues du pays - l’Argeş - qui attire l’attention de notre correspondant en Roumanie. En ce printemps 2024 déjà bien installé dans l’immense plaine où se trouve Bucarest, elle donne rendez-vous à celui-ci au sud-est de la capitale sur les rives de la Dâmboviţa, le cours d’eau qui sillonne la ville.
Le hasard veut que ce soit à la fois la Dâmboviţa et l’Argeş qui alimentent en eau potable les habitants de Bucarest. Via, bien entendu, des usines de traitement, car l’eau y est tout sauf propre. Il y a pourtant encore quelques pêcheurs sur ces rivières, mais leur nombre diminue, sans doute là aussi à cause des effets de la pollution sur les poissons.
La Dâmboviţa est une rivière bien calme dans Bucarest. Normal : elle circule dans un canal bétonné sans guère de verdure autour. Tout près de notre lieu de rendez-vous, le fameux dictateur roumain Nicolae CEAUSESCU a même lancé dans les années 1980 l’un de ses innombrables projets pharaoniques afin de la relier, via un énorme canal, au Danube. Il voulait faire de Bucarest un port. Un projet qui ne verra jamais le jour, la Révolution roumaine de 1989 mettant fin au règne du dictateur et à ses idées farfelues !
Militante écologiste à la base, Alexandra fait beaucoup d’éducation à l’environnement auprès de publics de tous âges. Elle consacre également une bonne partie de son temps à favoriser le dialogue entre les citoyens et les autorités pour résoudre ces problèmes de pollution. Notamment pour le compte d’une ONG roumaine bien connue et qui s’appelle Mai Mult Verde (« plus de vert »). Elle n’a pas documenté l’impact des pollutions industrielles, mais a plutôt concentré son énergie sur les citoyens et la manière dont ils perçoivent la pollution afin de combattre les mauvaises habitudes. Autre aspect de son travail : elle dialogue énormément avec les institutions, dont les mairies, afin de leur faire comprendre comment mieux gérer leurs déchets au niveau local.
« La Roumanie n’a pas eu d’hiver du tout cette année, or pas de neige signifie moins d’eau dans le sol pour nourrir la terre et les cultures qui vont nourrir ensuite les animaux et les hommes », commence-t-elle par expliquer, comme pour revenir aux fondamentaux et à l’importance vitale de l’eau. Une eau dont beaucoup ont, semble-t-il, oublié l’utilité. Un comble, à l’heure des effets dévastateurs du changement climatique. Alexandra se concentre, elle, sur la pollution visible et notamment les plastiques. Et donc moins sur les huiles, les pesticides ou encore les microplastiques présents dans l’eau, bien qu’elle « les observe parfois » dit-elle. De différentes études récentes, il est notamment ressorti que dans son pays, pour chaque poisson, crabes, fruit de mer ou autres espèces vivant dans l’eau, se trouvait l’équivalent du poids d’une carte bancaire en micro plastique. Des statistiques qui font frémir Alexandra, mais qui la poussent aussi à s’engager toujours plus !
Dans cette interview elle aborde cette pollution au plastique ainsi que son travail de sensibilisation dans les nombreuses communes où elle a travaillé. Elle évoque aussi la surconsommation actuelle et ses dérives, avec un coup d’œil dans le rétroviseur roumain : sa jeunesse sous le communisme. Une période « difficile à tous les points de vue, je ne dirais pas le contraire », explique-t-elle sans détour, « mais où l’état roumain n’imposait pas le plastique, contrairement à aujourd’hui où il est absolument partout ». Toute boisson, le lait par exemple, était vendue sous la forme d’un système de consigne et de bouteilles en verre. Pour se faire resservir, il fallait ramener sa bouteille. Une réflexion utile à l’ère du tout jetable.
Interview réalisée le 15 avril 2024
Entretien réalisé en roumain. La traduction en français est à télécharger via le Kit pédagogique en pied de page.