Révolution et crise économique mondiale : le défi des entreprises tunisiennes

Publié le 17 février 2015

Mme Douja Ben Mahmoud Gharbi est une femme d’affaires très active en Tunisie. Malgré un emploi du temps très chargé, elle a répondu aux questions des globe-reporters du lycée Philippe Lamour de Nîmes.

Economie, histoire et politique

Pourriez-vous vous présenter s’il-vous-plaît ?

Je suis Douja Ben Mahmoud Gharbi, entrepreneure, chef d’entreprise et 1ère vice-présidente de la CONECT, la Confédération des Entreprises Citoyennes de la Tunisie. C’est une centrale patronale créée après la révolution qui rassemble des chefs d’entreprises citoyennes, tunisiennes ou étrangères, opérant dans tous les secteurs de l’économie et implantées dans toutes les régions de Tunisie.

Comment les chefs d’entreprises tunisiennes ont-ils vécu la révolution ?

La révolution tunisienne a eu un impact très important sur l’économie qui s’est traduit par une baisse de la consommation, un affaiblissement du pouvoir d’achat et du système bancaire, un déséquilibre de la balance commerciale de plus en plus important, etc. Tout cela affecte l’entreprise et impacte sur son développement, voire même sa pérennité.
Les entreprises tunisiennes ont fait face à des difficultés économiques et à des revendications sociales importantes. Ces revendications étaient certainement légitimes, mais dans un sens malvenues car la Tunisie passe par une phase de transition difficile et on aurait dû se serrer les coudes pour passer le cap. Ça n’a pas souvent été le cas et cela a plongé les entreprises dans des difficultés difficiles à surmonter.

La révolution économique en Tunisie vous a-t-elle fortement touchée dans votre entreprise ?

Oui. En effet, la révolution économique ainsi que la crise économique mondiale ont fortement touché le développement et la croissance de mon entreprise. Beaucoup de PME ont souffert de la fragilité de l’économie mondiale, particulièrement celles qui exportent ainsi que de la transition difficile vécue par l’économie tunisienne.

Mme Douja Ben Mahmoud Gharbi

Les salaires de certains salariés ont-ils baissé ? Si oui, comment ont-ils réagi ?

Nous n’avons pas noté de baisse du taux horaire des salaires dans les entreprises. Au contraire, il a fallu gérer les demandes d’augmentations incessantes des salaires. Certaines entreprises sont rentrées dans des situations de chômage technique qui se sont traduites parfois par des propositions de travail à mi-temps et des salaires moindres pendant quelques mois. Durant tout ce temps, les entreprises se sont battues pour se maintenir et conserver leurs employés et surtout leurs clients et leurs marchés.

Comment gérez-vous vos moyens économiques (argent) dans votre entreprise ?

Devant les difficultés économiques du pays, les pertes de clients internationaux et même de clients nationaux et surtout la frilosité des banques pendant la période transitoire, il a été très difficile de gérer correctement les moyens économiques de l’entreprise. Il fallait se battre pour maintenir les équilibres et opter pour une stratégie de crise ou comprimer les frais au maximum.

Cette révolution et les changements économiques qu’elle a engendrés vous ont-ils déplu ? Si oui pourquoi ?

Cela m’a fortement déplu. Nous avons vécu une période transitoire très difficile où les questions économiques et les besoins et difficultés des entreprises ont été très souvent relégués au second plan. Le gouvernement s’attelait plutôt à résoudre des problèmes politiques, sécuritaires, etc…
Nous avons aussi perdu la valeur travail, alors que c’était la solution pour sauver notre économie. Il fallait travailler plus et mieux, mais nous avons vécu le contraire de cela, ce qui a encore détérioré notre économie. Les revendications prirent le dessus et ceci a affecté énormément le rendement et la compétitivité de nos entreprises.

A-t-elle, au contraire, des aspects positifs ?

Bien entendu la révolution a apporté des aspects positifs. Nous avons clairement gagné en libertés : liberté d’expression, liberté d’entreprendre que nous cherchons à renforcer d’avantage, la liberté de s’impliquer dans la vie politique, le syndicalisme et au sein de la société civile. Nous avons aussi vu émerger des hommes politiques, des économistes, des organisations et des associations de la société civile qui sont visionnaires et qui agissent positivement pour mener les grandes réformes et les grands changements dont a besoin la Tunisie aujourd’hui.

Y a-t-il des entreprises qui n’ont pas été touchées par la révolution ?

Rares sont les entreprises qui n’ont pas été touchées par la révolution. Peut-être celles qui ne dépendent pas complètement de l’économie tunisienne et qui sont plutôt orientées vers l’exportation. Il leur a aussi fallu conserver un climat social sain et la valeur travail des employés, tout en maintenant leurs marchés et en faisant face aux difficultés engendrées par la crise économique mondiale qui a précédé la révolution.

Y a-t-il eu beaucoup de faillites d’entreprises ?

Je n’ai pas de chiffres exacts, mais je pense que oui. Il y a certainement eu des faillites et des entreprises qui ont fermé notamment des TPE et PME fortement dépendantes de l’économie locale.

Le travail de la CONECT a-t-il évolué depuis la révolution ?

Oui en effet, la CONECT a fait des pas de géant depuis sa création en 2011. Nous sommes convaincus que nous devons contribuer positivement au développement de notre pays et nous sommes en train de le faire en jouant un vrai rôle de représentant du secteur privé et en soutenant l’entreprise de la création au développement.
L’entreprise est au cœur de nos activités, du fait qu’elle est créatrice de richesses et d’emplois. Elle doit être au cœur du développement, moteur de croissance économique.
Nous travaillons actuellement sur plusieurs axes importants pouvant apporter des solutions au développement de l’entreprise et du secteur privé tunisien à savoir : l’amélioration du climat des affaires en Tunisie, la responsabilité sociétale de l’entreprise, la formation professionnelle, la création d’entreprises innovantes et pérennes et le développement régional.

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