Djerba bombée

Publié le 13 janvier 2015

En 2014, l’île de Djerba a reçu 150 artistes graffeurs de 30 nationalités différentes. Un évènement qui n’est pas passé inaperçu pour les globe-reporters de la 6ème géranium du collège Jean Lafosse de Saint Louis. Interview d’un artiste qui y a participé.

Culture et francophonie

Pour la petite histoire, Tahar n’a pas été sollicité par l’équipe de Djerbahood. Il a vu les murs de son île se colorer et a décidé de s’imposer en allant tagger ses propres graffs de nuit, en cachette - avec l’autorisation du propriétaire des murs choisis bien sûr. Le lendemain passants et équipe de Djerbahood ont découvert avec surprise ce nouvel invité !

Voici le look du graffeur selon nous : casquette noire, cagoule, chaussures de sécurité, pantalon jean années 70 couvert de peinture, sweat-shirt, cheveux « pique-pique », rasé sur le côté, banane autour de la ceinture, regardant autour de lui si personne ne l’observe…quelqu’un de louche en fait, qui se camoufle Est-ce cela un graffeur ?

Le graffeur peut être celui que vous décrivez, comme il peut être une personne qui ne se paie pas ce look, une personne normale. Le plus important est ce que le graffeur va pouvoir produire sur le mur.

Utilisez-vous un pseudonyme ou bien votre nom de famille ? Pourquoi ?

Pour ce travail j’ai utilisé mes initiales. D’habitude je ne signe pas de la même façon.

Depuis quand faites-vous des graffitis ? Pourquoi éprouvez-vous le besoin de peindre sur des murs ?

C’est la 1ère fois que je fais un graffitti, mais je l’ai fait pour m’amuser. Je n’ai donc pas éprouvé le besoin de le faire.

Avez-vous un TAG, une signature reconnaissable de vos graffs ? Avez-vous un style particulier ?

Non je n’ai pas fait de tag auparavant (à part les tags que je fais tous les jours dans mes carnets de croquis). J’ai taggé sur ce mur comme si j’avais peint sur la toile, pas de différence donc pour moi.

Est-ce un passe-temps ? Voulez-vous faire passer un message ? Vous exprimer ? Etes-vous passionné par les graffs ? Pourriez-vous vous en passer ?

J’ai taggé spécialement pour cet événement, pour Djerbahood, et ça a été l’occasion pour moi de m’exprimer sur un autre support que celui dont j’ai l’habitude, qui est la toile. Toujours est-il qu’à travers un tag on a tendance à faire passer un message, qu’il soit politique social ou alors même pour dire bonjour à quelqu’un, etc.

Un graffiti réalisé pendant Djerbahood

Comment choisissez-vous vos thèmes pour réaliser vos graffs ? Qu’est-ce qui vous inspire ? D’où viennent vos idées de graff ?

Pour ce qui est de ce tag, je n’ai pas choisi de thème, étant donné que ce que je fais dans mon atelier ne diffère pas vraiment.

Que faites-vous comme type de graffiti ? Est-ce difficile de faire des graffs ?

En général, je peins des personnages en mouvement, dans leur vie, qui bougent tout le temps, même quand ils sont assis. Pour moi qui fais ce travail depuis trente années, faire un tag n’est pas une chose difficile.

Avez-vous pris des modèles (vivants) pour faire des graffitis ?

Je ne travaille jamais avec des modèles

Est-ce un métier « graffeur » ? Quelles études avez-vous fait avant de faire des graffitis sur les murs ?

Non, en ce qui me concerne, ce n’est pas un métier, mais je pense qu’il y a des artistes qui sont devenus des spécialistes et qui sont devenus connus dans ce domaine et qui vivent de ça. Donc on peut dire que pour ces artistes le tag est devenu un métier. Je suis un artiste professionnel. J’ai fait des études dans les écoles de Beaux Arts de Tunis et Paris dans les années 1970.

Avez-vous des problèmes particuliers avec la justice en Tunisie ? Risquez-vous d’avoir une amende ? Avez-vous le droit de faire cela ? Est-ce dangereux ? Prenez-vous des risques ? Faut-il être sportif ? Faites-vous des graffitis le soir ?

L’une des deux oeuvres réalisées par Tahar

Le graffiti en Tunisie n’existait presque pas avant la révolution parce que c’était interdit. Non seulement on pouvait écoper d’une amende, mais en plus on risquait d’aller en prison. Mais après la révolution de janvier 2011, il y a eu une explosion dans ce domaine, étant donné que la liberté d’expression et la liberté tout court ont gagné tout le pays. Les artistes ont pu s’exprimer comme ils le voulaient sur les murs et dans les stations de métro (on appelle ainsi le tramway ici) ainsi que dans les gares et sur les murs publics, pour faire passer des messages de tout genre.

Les gens portent-ils plainte quand ils voient un graffiti sur leur mur ?

Maintenant que les gens sont habitués à voir ce genre de graffitis sur les murs plus personne n’y fait attention. Non seulement les gens ne portent pas plainte mais les graffitis ont l’air de plaire, les murs sont colorés.
Pour ce qui est de ces deux graffitis, je les ai faits un soir entre minuit et 3h du matin.et j’ai choisi ce moment pour que personne ne me voie car je pense qu’un graffiti doit être fait loin des regards, à la sauvette presque, pour que le lendemain les gens soient surpris. Je pense que l’anonymat est exigé pour ce genre de travail.

Êtes-vous content d’avoir participé au festival ?

Je suis effectivement content d’avoir participé à ce festival malgré le fait que personne ne m’ait invité à graffer.

Tahar a aussi donné quelques conseils aux globe-reporters de la 6ème géraniumpour devenir un pro du street art.

Les globe-reporters ont aussi interrogé Mehdi Ben Cheikh, l’organisateur de Djerbahood.

Sources photographiques

L’oeuvre réalisée par Tahar
L’oeuvre réalisée par Tahar
L’oeuvre réalisée par Tahar

Les partenaires de la campagne

  • Institut français de Tunisie
  • APTF