Oiseaux de Tunisie ; une interview à l’Association Les amis des oiseaux - partie 2

Publié le 19 février 2013

Claudia Feltrup-Azafzaf, Directeur exécutif de l’Association « Les Amis des Oiseaux » à Tunis, répond aux journalistes en herbe du collège Poquelin, à Paris. Seconde partie.

Développement durable et environnement

La chasse est-elle autorisée ? Si oui pour quelles espèces, à quelle saison, pendant combien de temps ?

Oui, la chasse est autorisée pour certaines espèces selon un calendrier détaillé publié chaque année en article premier de l’arrêté de la chasse dont vous trouverez ci-jointe une copie.

Y a-t-il des régions où il n’y a pas d’oiseaux ?

Non, on trouve les oiseaux partout. Certains milieux sont plus riches en oiseaux comme par exemple les zones humides, les forêts, les jardins, d’autres sont moins fréquentés comme les steppes et le désert. C’est essentiellement lié aux ressources alimentaires et aux endroits pour s’abriter et se reproduire.

La Tunisie est-elle seulement une étape ou le point d’arrivée des oiseux migrateurs ? Vers où s’envolent-ils ensuite ?

La Tunisie est une terre d’accueil pour les oiseaux migrateurs, qu’ils soient de passage, hivernant ou estivant. Les oiseaux migrateurs de passage fréquentent plusieurs sites d’escale lors de la traversée du pays.

Beaucoup d’espèces aquatiques ou insectivores utilisent la Tunisie comme quartier d’hiver : venant d’Europe ils arrivent en automne (septembre à novembre) en Tunisie et repartent en printemps (mars à mai) : Foulques macroules, Tadornes de Belon, Pouillot véloce, etc.

Certaines espèces qui nichent en Tunisie sont également migratrices, elles partent en automne pour se déplacer au Sud du Sahara et jusqu’en Afrique du Sud. Ainsi on observe pour certaines espèces migratrices deux populations en Tunisie : une tunisienne et une eurasienne. C’est par exemple le cas de la Cigogne blanche.

Quel est le meilleur endroit, le meilleur moment pour observer des oiseaux en Tunisie ?

Le phénomène de la migration est particulièrement remarquable dans les zones humides, comme le Lac Ichkeul ou les Salines de Thyna, et sur le site du Djebel El Haouaria au Cap Bon. Ce dernier site est un entonnoir de la migration, c’est-à-dire un endroit où les oiseaux se concentrent avant la traversée d’un obstacle, dans le cas d’El Haouaria la mer entre le Cap Bon en Afrique et la Sicile en Europe.

Ce phénomène s’observe bien en printemps quand les oiseaux remontent de l’Afrique vers l’Eurasie. On y compte entre 30.000 et 40.000 rapaces, cigognes et grues chaque printemps, mais aussi certains passereaux comme les hirondelles, les guêpiers d’Europe et les loriots d’Europe.

Les oiseaux d’eau hivernants sont présents d’octobre à avril. Pour les oiseaux sédentaires ou migrateurs estivants la meilleure période est certainement le printemps pendant la période de parades nuptiales quand ils sont plus visibles que le reste de l’année. Puis, à chaque espèce son habitat et c’est là où il faut se rendre pour les observer.

Qui participe à l’opération de recensement ?

L’association « Les Amis des Oiseaux » (AAO) organisent chaque année deux grandes opérations de recensement, qui s’ajoutent aux suivis de certains espèces et sites : le recensement des oiseaux d’eau hivernant en mois de janvier et le suivi de la migration des oiseaux migrateurs au Cap Bon au mois d’avril.

Dans les deux cas il y a les membres et ornithologues de terrain de l’AAO qui y participent ainsi que des ornithologues étrangers, des brigadiers de chasse et des gardiens des sites appartenant au Ministère de l’Agriculture, des agents de terrain du Ministère de l’Environnement, des membres d’autres associations environnementales, etc.

Lors du recensement des oiseaux les équipes de l’AAO visitent entre 60 et 100 zones humides pour y compter les oiseaux et évaluer l’état de conservation des sites.

Avez-vous quelque chose à ajouter ?

Étant donné que les oiseaux migrateurs sont un patrimoine naturel partagé par plusieurs pays, plusieurs peuples, il est important de s’intéresser à la dimension internationale de la protection de ces oiseaux. Ça ne sert à rien de prendre toutes les mesures de protection dans son pays, si par la suite les oiseaux sont en danger une fois qu’ils auront traversé la frontière. C’est pour cette raison que l’AAO œuvre dans le cadre des conventions et accords internationaux et essaie de promouvoir la collaboration internationale.

L’AAO est partenaire officiel de BirdLife International, un réseau de plus de 100 ONG de conservation des oiseaux partout dans le monde, et un membre de l’UICN, qui regroupes des états, des institutions et des associations qui luttent pour la conservation de la nature dans le monde.

Un très bon exemple de cette collaboration internationale est la dernière publication de notre association. Depuis plusieurs années nous sommes engagés dans le développement de programmes de recensement dans les pays de l’Afrique du Nord, notamment avec l’appui de l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS) en France.

Dans ce cadre nous avons formé des observateurs de terrain dans plusieurs pays, mais très vite nous nous sommes rendu compte que la langue est souvent un obstacle car il n’existait pas de guide d’identification ni de manuel de formation en langue arabe.

Avec un financement du Ministère de l’Environnement français et en partenariat avec l’ONCFS et le GREPOM (une ONG marocaine) nous avons remédié à cette situation par la publication d’un guide d’identification en langue arabe (200 espèces d’oiseaux d’eau migrateurs présents en Afrique du Nord, du Soudan à la Mauritanie) et d’un kit de formation trilingue (Arabe-Français-Anglais). Ainsi, 4 000 livres sont actuellement distribués gratuitement dans 7 pays de la région.

Claudia Feltrup-Azafzaf
Association « Les Amis des Oiseaux » (AAO)

2080 Ariana, TUNISIE

Pour lire la première partie de l’entretien, cliquez ICI.

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