Face au réchauffement climatique, il faut s’adapter

Publié le 12 janvier 2011

La plupart des pays du monde, même les plus pauvres, pourtant faibles émetteurs de gaz à effet de serre, se préparent au réchauffement. Exemple au Sénégal. Article du journal La Croix.

La forêt aux pieds mouillés

Article du journal La Croix du 10/01/2011

En 2006, la localité de Podor qui jouxte Ziguinchor, la principale ville de Casamance dans le sud du Sénégal, ressemblait à un cimetière marin. À perte de vue, les champs dévastés de mangroves, plus connues sous le nom de palétuviers, offraient une vision de désolation et de mort.

« Pas moins de 75 000 hectares de mangroves avaient disparu au cours des trente dernières années, explique l’écologiste sénégalais Haïdar El Ali, fondateur, à Dakar, de l’Océanium. Aujourd’hui, grâce à une campagne de reboisement massif réalisée par les villageois en Casamance et dans le Sine Saloum, non seulement les propagules ont refleuri mais près de 30 % des terres qui étaient devenues impropres à la riziculture sont à nouveau exploitées. »

L’association de protection de l’environnement Océanium lutte pour la préservation du littoral, fragilisé par la montée du niveau des eaux. Reboiser permet de freiner l’avancée de la mer qui menace les rizières, car les palétuviers constituent un barrage naturel contre l’érosion. Pour cela, l’association a bénéficié de financements privés, venus de la Fondation Danone et de la Fondation Yves-Rocher, auxquels se sont ajoutées des entreprises de tourisme comme Terre d’aventure et Voyageur insolite.

Avec un budget de 1,2 million d’euros, pas moins de 62 millions d’arbres ont pu être plantés l’an dernier sur une surface de 5 500 hectares, grâce à la mobilisation de plus de 400 villages. Pour Haïdar El Ali, chef de file des écologistes sénégalais, il faudrait aller encore plus loin pour lutter contre la désertification qui menace le pays. « Il faudrait protéger le couvert végétal existant à travers le développement de forêts communautaires, l’écotourisme ou les parcs animaliers », estime-t-il.

"Ces « micro-initiatives » ne sont pas à la hauteur des enjeux"
À l’intérieur des terres, dans les régions de Thiès et Diourbel, la directrice de l’ONG Green Sénégal, Voré Seck, travaille sur des projets touchant à l’agriculture. Elle dispense des conseils aux populations, portant sur des semences plus adaptées à des sols dégradés et salinisés, ou encore sur une forme d’irrigation en goutte à goutte, moins consommatrice en eau.

« Nous avons commencé il y a plus de quinze ans sur des projets de ce type, même si les financements n’ont pas toujours suivi », regrette-t-elle. Au cours des trois dernières années, Green Sénégal a pu bénéficier de deux financements du Fonds mondial pour l’environnement de 50 000 dollars chacun. Quarante hectares ont pu être réhabilités dans la région de Fatick.

L’association a par ailleurs été choisie pour prodiguer de l’information sur les effets du changement climatique aux populations de la petite côte sénégalaise, allant de Rufisque à Joal. Financé par les Pays-Bas, ce projet consiste notamment à renforcer la gestion durable des pêcheries et à anticiper la raréfaction de la ressource halieutique. Les femmes ont été notamment formées à mieux conserver le poisson.

Si elles vont dans le bon sens, toutes ces « micro-initiatives » ne sont pas à la hauteur des enjeux. Du côté du gouvernement sénégalais, aucun projet concret n’a pu être mis en œuvre jusqu’à présent, faute de financements. Et pourtant, les problèmes liés au réchauffement ont été bel et bien diagnostiqués.

« L’avancée de la mer et la perte des plages ont été identifiées comme les principaux impacts négatifs du réchauffement climatique, avec la dégradation des sols et la perte de ressources en eau », énumère Cheikh Sylla Ndiaye, directeur chargé du suivi des projets au ministère sénégalais de l’environnement.

100 milliards de dollars par an à partir de 2020
Premier signe encourageant : le Sénégal vient tout juste de bénéficier d’un premier financement du fonds d’adaptation, créé dans le cadre du protocole de Kyoto. D’un montant de 8,6 millions de dollars, le protocole d’accord, signé le 11 novembre dernier à la Banque mondiale, concerne les villes de Rufisque, Saly et Joal.

« C’est à cet endroit de la petite côte que se trouvent la plupart de nos capacités touristiques, en particulier à Saly », précise Cheikh Sylla Ndiaye. « Ce premier contrat va nous permettre de progresser, après une longue période de stagnation, dans la mise en œuvre de notre plan national pour l’adaptation, se félicite un expert du ministère sénégalais de l’environnement ayant requis l’anonymat. Nous avions l’expertise, mais pas les budgets. »

Vues du Sénégal, les dernières négociations internationales sur le climat, qui se sont déroulées à Cancun au Mexique en décembre dernier, s’avèrent encourageantes. Interrogé à son retour de Cancun, le ministre d’État sénégalais de l’environnement, Djibo Ka, s’est félicité que les Africains aient pu parler d’une seule voix. Après l’échec du sommet de Copenhague de 2009, la rencontre de Cancun a en effet permis de relancer les négociations dans le cadre de l’ONU, où l’Afrique notamment peut faire entendre sa voix.

« Cancun va permettre au Sénégal de renforcer son engagement et sa détermination à faire de sa politique climatique et de sa participation à la négociation climatique mondiale l’une de ses priorités stratégiques », a insisté Djibo Ka. Surtout, le ministre a salué l’accord de principe sur la création d’un Fonds vert, destiné en particulier à financer les projets d’adaptation au réchauffement climatique. La communauté internationale s’est engagée à abonder ce fonds de 100 milliards de dollars par an à partir de 2020.

Christine HOLZBAUER, à Dakar

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