« On ne donne pas au créole mauricien sa place de langue »

Publié le 5 mars 2018

Kristelle GEFFROY est professeure de créole au collège du Saint-Esprit à Rivière Noire, un petit bourg sur la côte ouest de l’Île Maurice. Nous la rencontrons dans sa classe, ainsi que huit de ses élèves. Ils répondent aux questions de Jane, Mathéo, Maelys, Victor, Lucinda, Joseph et Théo B., les globe-reporters du collège Adrien Cadet aux Avirons (La Réunion).

Education et jeunesse

En arrivant à Maurice, Sidonie a fait la connaissance de Clency, le propriétaire d’un petit restaurant dans le quartier de la Tour Koenig. En discutant avec Clency, Sidonie présente les différents reportages qu’elle est venue faire. C’est ainsi que le Mauricien lui parle de Clément SIATOUS, peintre chagossien avec qui il organise une rencontre quelques jours plus tard. Mais Clency l’aide aussi pour le reportage sur le créole. Ce dernier connait un certain Jimmy HARMON, auteur d’un livre sur le créole mauricien. Il met Jimmy et Sidonie en relation.

Quelques jours plus tard, Sidonie téléphone à Jimmy HARMON et ils se rencontrent au service diocésain de l’éducation catholique (Sedec) à Rose Hill. Attention globe-reporters, le système scolaire n’est pas le même qu’en France. Les écoles catholiques à Maurice sont des écoles publiques.
Avec Clive ANSELINE, le chargé de communication de l’institution, Sidonie s’est rendue dans le collège du Saint-Esprit à Rivière Noire à la rencontre d’une professeure de créole et de ses élèves. Ecoutez leurs réponses.
Jimmy HARMON partait en voyage à l’étranger. Suite à leur visite dans le collège, Sidonie lui a demandé de répondre par écrit à trois questions pour compléter le reportage :

1) Quels étaient les enjeux de la réforme du créole à l’école ?

Le plus grand enjeu a été de démocratiser l’accès à l’éducation dans le sens le plus large du terme. L’enseignement de base durant les premières années du primaire ne peut se faire que dans la langue maternelle de l’enfant. Une grande majorité de nos enfants sont des créolophones unilingues. Il est donc tout à fait naturel que l’éducation nationale tienne compte de ce fait.

2) Quels étaient les arguments du débat ? Pourquoi autant d’hostilité à l’égard de l’enseignement du créole à l’école ?

On retrouve le même argument utilisé à l’ile de La Réunion et d’autres départements français dans les caraïbes. Les défenseurs avancent l’argument pédagogique, le combat contre l’illettrisme, le respect de la langue et la culture de la personne, la biodiversité culturelle. Ceux qui sont contre disent que le créole n’est pas une langue mais un patois ou un dialecte. Ils disent aussi que c’est d’enfermer l’enfant dans un ghetto culturel. Or, comme c’est le cas à l’ile de La Réunion, les défenseurs du créole disent « oui au créole, oui au français ». À Maurice, c’est la place du créole comme langue maternelle dans le cadre d’un enseignement multilingue. L’anglais et le français ont et doivent avoir leur place.

3) Quelles sont les modalités de la réforme ?

Depuis 2012, le créole est offert sur une base optionnelle au même titre que les langues ancestrales, chacune fortement marquée par leur dimension identitaire. L’hindi, l’urdu, le marathi, le telegu, le tamil, l’arabe et le mandarin sont enseignés à titre de promotion et préservation de valeurs culturelles des groupes ethniques notamment les indiens, les musulmans et les chinois. Ces langues sont enseignées depuis la colonisation britannique. Si le créole est entré au même titre que ces langues, c’est qu’il y a eu depuis 1999 l’émergence d’une affirmation identitaire de l’ethnie créole, qui représente autour de 30% de la population. L’histoire de ce groupe a été fortement marqué par les séquelles de l’esclavage et une marginalisation politique depuis l’indépendance du pays. De 2005 à 2010, il y a eu une concordance ou je dirais une convergence entre d’une part la revendication pour l’enseignement du « Kreol Morisien » sur une base purement pédagogique et de l’autre le mouvement identitaire qui faisait sienne la revendication de cette langue comme langue de sa reconstruction identitaire.

Ceci dit les choses peuvent prendre des fois une tournure intéressante. Le créole est la langue parlée par toutes les ethnies, c’est la langue nationale de facto. On voit très bien depuis 2012 que sa place modifie les rapports entre les langues. Le « Kreol Morisien » libère la parole, a un effet positif dans les autres cours. Les témoignages d’enseignant démontrent clairement que les enfants qui prennent le « Kreol Morisien » semble mieux s’épanouir. Je crois qu’avec le temps et assez rapidement le créole aura vraiment sa place de médium d’enseignement et il sera bénéfique pour tous les enfants.

Biographie

Jimmy HARMON, Directeur Adjoint/Responsable du secondaire au sein du Service Diocésain de l’Education Catholique. Impliqué dans l’introduction du Kreol Morisien en 2012. Thèse de doctorat publiée en 2017 : Heritage Language and Identity construction. The case of Kreol Morisien Soutenue à l’Université du Cap, Sud Afrique en 2015.

Sources photographiques

Kristelle GEFFROY et ses élèves de classe pré vocationnelle (équivalent classe d’insertion ou classe technique) : Rushav, Morgan, Sophie et Grace.
Kristelle GEFFROY et ses élèves de classe pré vocationnelle (équivalent classe d’insertion ou classe technique) : Rushav, Morgan, Sophie et Grace.
Yaëlle, Kushal, Wayne, Bruce et Nathanaël.
Yaëlle, Kushal, Wayne, Bruce et Nathanaël.
A la fin de l’interview, Sidonie leur demande d’écrire leur prénom sur son carnet pour ne pas faire de fautes d’orthographe.
A la fin de l’interview, Sidonie leur demande d’écrire leur prénom sur son carnet pour ne pas faire de fautes d’orthographe.
Morgan et Rushav se prête au jeu du journaliste et de l’interviewé… en créole !
Morgan et Rushav se prête au jeu du journaliste et de l’interviewé… en créole !
Sidonie n’est pas loin pour leur expliquer comment tenir le micro.
Sidonie n’est pas loin pour leur expliquer comment tenir le micro.
Et c’est Grace qui s’occupe du reportage photo.
Et c’est Grace qui s’occupe du reportage photo.
Rushav répond aux questions de Morgan avec application.
Rushav répond aux questions de Morgan avec application.
Parfois Clive intervient pour orienter la discussion.
Parfois Clive intervient pour orienter la discussion.
Le manuel de créole utilisé en grade 7 (équivalent de la 5ème).
Le manuel de créole utilisé en grade 7 (équivalent de la 5ème).
Arrivez-vous à comprendre les exercices ?
Arrivez-vous à comprendre les exercices ?
Regardez la vidéo sur le manuel scolaire de langue créole.
Regardez la vidéo sur le manuel scolaire de langue créole.
Après l’interview, la cloche sonne : récréation pour tout le monde.
Après l’interview, la cloche sonne : récréation pour tout le monde.
Kristelle GEFFROY et ses élèves de classe pré vocationnelle (équivalent classe d’insertion ou classe technique) : Rushav, Morgan, Sophie et Grace.
Yaëlle, Kushal, Wayne, Bruce et Nathanaël.
A la fin de l’interview, Sidonie leur demande d’écrire leur prénom sur son carnet pour ne pas faire de fautes d’orthographe.
Morgan et Rushav se prête au jeu du journaliste et de l’interviewé… en créole !
Sidonie n’est pas loin pour leur expliquer comment tenir le micro.
Et c’est Grace qui s’occupe du reportage photo.
Rushav répond aux questions de Morgan avec application.
Parfois Clive intervient pour orienter la discussion.
Le manuel de créole utilisé en grade 7 (équivalent de la 5ème).
Arrivez-vous à comprendre les exercices ?
Regardez la vidéo sur le manuel scolaire de langue créole.
Après l’interview, la cloche sonne : récréation pour tout le monde.

Sources sonores

  • Pouvez-vous vous présenter s’il vous plaît ?

  • Combien de personnes parlent créole dans ta classe ?

  • Comment as-tu appris à parler créole ?

  • Est-ce que le créole est ta langue maternelle ?

  • Est-ce qu’il y a des cours de créole à l’école ? Si oui qu’y faites-vous ?

  • Les collégiens parlent-ils le créole au collège ?

  • Les professeurs parlent-ils créole en cours ?

  • Question bonus : quelles matières étudiez-vous à l’école ?

  • En quelle langue sont donnés les cours ?

  • Question bonus : quel métier voudriez-vous faire plus tard ?

  • Question bonus : pourquoi parlez-vous plus facilement créole ?

  • Quelles langues parlez-vous ?

  • Sidonie s’adresse maintenant à Kristelle GEFFROY, la professeure de créole. Pouvez-vous vous présenter s’il vous plaît ?

  • Depuis quand enseignez-vous le créole ?

  • Aujourd’hui, quelle langue parle-t-on en maternelle ?

  • Avez-vous remarqué des améliorations depuis que l’on enseigne le créole ?

  • Est-ce que tout le monde parle créole ici à l’île Maurice ?

  • Quelle est la place du français à Maurice ? Pourquoi est-il si présent encore ?

  • Passons à quelques questions des élèves du collège de l’Etang à La Réunion. Porte-t-on des uniformes à l’école ?

  • Les écoles sont-elles mixtes ?

  • Combien d’heures de cours avez-vous par semaine ?

  • Question bonus : avez-vous un message à adresser aux globe-reporters de La Réunion ?

Sources vidéo

L’enseignement du créole à l’école a nécessité l’élaboration de manuels scolaires

Morgan et Rushav se prêtent au jeu de l’interview. Bravo !