Le projet minier de la Montagne d’Or ; des tonnes de questions

Publié le 1er février 2020

Marine CALMET, porte-parole du collectif Or de question, qui s’oppose aux grands projets miniers en Guyane, répond aux questions des globe-reporters Matis, Hugo, Roy et Raphaël du collège Victor DURUY de Chalon en Champagne.

ECONOMIE, HISTOIRE ET POLITIQUE

On parle beaucoup, même en métropole, du grand projet minier qui porte le nom de Montagne d’or. Les globe-reporters découvrent lors de leurs recherches qu’il existe un collectif de citoyens qui s’oppose à ce projet. Ce collectif s’intitule Or de Question. Ils chargent donc leur envoyée spéciale en Guyane, Anne PASTOR, de prendre contact avec ce collectif. Les rédacteurs en chef donnent même à Anne le nom de la personne à rencontrer et le lien du site web de Or de question !

Anne PASTOR n’a plus qu’à rédiger un message et la réponse arrive quelques jours plus tard. Marine CALMET, la porte-parole du collectif s’excuse de ne pas être en Guyane aux dates du séjour d’Anne. Mais elle propose de répondre au questionnaire par écrit. Quelques jours plus tard, notre envoyée spéciale reçoit les réponses. Marine ajoute qu’elle reste disposée à répondre à d’autres questions complémentaires.

Mais avant de lire l’interview, voici ce qu’on peut lire sur le site à propos du collectif : « Le Collectif Or de Question Guyane, apolitique et non-violent, composé de 33 organisations citoyennes, environnementales, syndicales et politiques, s’oppose aux projets industriels d’exploitation minière en Guyane. L’actualité du moment est principalement axée sur le mégaprojet minier russo-canadien, dit Montagne d’or, au cœur de la seule forêt tropicale humide de la riche Europe, en Guyane française. Le Collectif Or de question a été créé le 14 juillet 2016. Il a reçu le Prix Danielle Mitterrand en 2017 de l’association France-Libertés. »

Marine CALMET lors d’une mobilisation - Crédit Marie CALMET

- En mai 2019, le gouvernement a décidé de stopper le projet, mais en octobre les services de l’État ont donné un avis favorable, qu’en est-il aujourd’hui pour la Montagne d’Or ?

La situation est en effet complexe. Suite aux annonces du gouvernement, la compagnie Montagne d’or a publié un communiqué de presse pour faire savoir qu’elle ne renonçait absolument pas à réaliser son projet. La société a annoncé qu’elle reverrait son plan initial en vue de la réforme du code minier. Aujourd’hui, la concession minière de la compagnie Montagne d’or a expiré et l’État, qui avait donné un avis favorable à son renouvellement, semble s’être rétracté. La compagnie minière a, de son côté, déposé un recours contre la France pour obtenir le renouvellement de sa concession. Rien n’est donc définitivement acté.

- Comment la population locale est-elle associée au projet ?

Une partie des Guyanais.es a pu participer à l’occasion du débat public qui s’est déroulé du 7 mars au 7 juillet 2018. Les contributions de la population ont été recueillies par voie électronique ou à l’occasion des réunions publiques organisées par la Commission du débat public. Elles ont été compilées et résumées dans un rapport pour que la compagnie Montagne d’or puisse y répondre.
Malgré cette phase de dialogue avec la population, qui a révélé une forte opposition de la part des Guyanais au projet, la société persiste à vouloir s’implanter sur ce territoire.

- Quels seront selon vous les impacts négatifs de ce projet ?

Le projet a suscité de nombreuses interrogations sur les impacts environnementaux : déforestation, pollution au cyanure en cas de rupture de digue, consommation d’eau irresponsable, danger lié à la contamination aux métaux lourds présents dans le sol, etc. Située entre deux réserves intégrales de biodiversité qui sont censées être des sanctuaires pour les espèces animales et végétales, cette mine aurait porté atteinte à l’intégrité de ces espaces protégés. À cause de la localisation du projet, en pleine forêt, au bout d’une piste d’une centaine de kilomètres, ce projet aurait engendré un trafic continuel de camion pour ravitailler le site. Le bilan carbone de cette exploitation n’est tout simplement pas compatible avec les objectifs de protection du climat. En terme social et économique, nous pensons également que la mine n’est pas un secteur porteur pour la Guyane. Les retombées fiscales sont dérisoires et les impacts négatifs sur la santé, la sécurité et les infrastructures rendent inacceptable la réalisation de ce projet.

- Êtes-vous contre tout orpaillage en Guyane ? Pourquoi ?

Le collectif Or de question s’oppose à l’orpaillage de taille industrielle, tel que le projet Montagne d’or. Ce type de méga-mine constitue un danger grave pour l’environnement comme on le voit dans d’autres pays du monde, notamment en Afrique, et participe au pillage de notre territoire sans participer à son développement.

- La population locale est-elle plus ou moins favorable au projet ?

Selon le sondage publié en 2018, 7 Guyanais.es sur 10 sont opposés au projet. Au regard des mobilisations, des marches et des avis exprimés à l’occasion du débat public, il semble évident qu’une majorité de la population rejette ce projet.

- Quels sont vos moyens de mobilisation pour résister au projet ?

Le collectif Or de question s’est fortement mobilisé au moment du débat public, afin d’apporter un éclairage sur les aspects techniques du dossier. Nous souhaitions pouvoir faire la transparence sur les enjeux écologiques, économiques et sociaux afin d’informer convenablement la population des enjeux. Nous avons participé aux réunions pour éviter tout risque de « greenwashing ».
Le collectif a appelé à défiler dans les rues et s’est joint aux autres organisations, notamment aux organisations autochtones fortement mobilisées, pour manifester son opposition au projet.
Nous avons également déposé un recours en justice contre un des projets de la compagnie Montagne d’or. Ce procès a été gagné.
Reçus par les institutions françaises, notamment au ministère de la transition écologique, nous avons fait valoir notre position. Pour finir, les médias ont également été un moyen fort de faire passer notre message et d’alerter sur les dangers du projet.

- Pensez-vous qu’ils sont suffisants ? Pourquoi ?

Cette mobilisation a nécessité beaucoup d’énergie et d’implication de la part des membres du collectif Or de question ainsi que des autres organisations sur le terrain. Plusieurs années ont été nécessaires pour faire entendre raison au gouvernement. Nous sommes des citoyens, et cet engagement est bénévole. Nous ne voulons pas voir réapparaitre un nouveau projet similaire à un autre endroit du territoire et être obligés de lancer une nouvelle campagne. Il est nécessaire maintenant d’obtenir une modification en profondeur de notre société, à travers nos lois, pour que de tels projets ne puissent plus voir le jour. La réforme du code minier est une occasion d’actionner un nouveau levier de mobilisation qui pourrait mettre un terme au pillage des ressources de la terre en Guyane.

- Qui sont vos adversaires ?

Le projet Montagne d’or est un cas emblématique du modèle « extractiviste », un modèle économique reposant sur l’exploitation massive des ressources de la nature, auquel nous nous opposons. Les porteurs de ce projet sont nos adversaires actuels, mais cela serait trop réducteur de dire qu’ils sont les seuls. Car le fait est que, ce type de projet est soutenu par notre système économique et politique. Il faut donc bien comprendre que notre combat est plus vaste et qu’il s’agit aujourd’hui de changer ce modèle de société qui porte atteinte à la nature et aux humains qui en dépendent.

- Si le projet se met finalement en place, comment allez-vous continuer d’agir ?

Nous continuerons à nous mobiliser. Nous aurons notamment la possibilité d’aller en justice pour demander l’abandon du projet.

- Quelles seraient les pistes pour développer l’économie en Guyane sans passer par l’orpaillage ?

L’orpaillage a été longtemps un attrait économique pour ceux qui voient dans la Guyane, un eldorado à conquérir. Mais aujourd’hui, les choix politiques pro-mines sont difficilement compatibles avec le développement d’alternatives économiques vertueuses et soutenables, reposant sur un équilibre entre les activités humaines et la préservation de la nature, telles que le tourisme durable, l’économie de la connaissance, la recherche scientifique et l’agroforesterie. Ces secteurs sont, selon une étude commandée par le WWF auprès du cabinet Deloitte, des axes efficaces de développement économique durable pour la Guyane. Il faut donc réorienter l’investissement public vers ces secteurs et tourner la page de l’exploitation minière pour permettre de développer de nouvelles activités sur le territoire.

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