Le métier de journaliste

Publié le 22 novembre 2019

Alain DEVALPO, le cofondateur de Globe Reporters, répond à des questions sur le métier de journaliste posé par les globe-reporters du lycée professionnel Saint-Exupéry de Saint-Dizier et du collège Le TOULLEC de l’île de La Réunion.

CARNET DE ROUTE

- Qu’est-ce qui prend le plus de temps dans la réalisation des reportages ?

Un bon reportage, c’est avant tout un reportage bien préparé. La préparation prend donc toujours du temps. Ensuite, cela dépend des sujets. Certains reportages peuvent être réalisés en 2 jours. Mais d’autres sont beaucoup plus longs. Je pense par exemple à un reportage fait sur les travailleurs nord-coréens en Russie. Il m’a fallu 6 mois pour obtenir les interviews, car ce sont des personnes qui se cachent et qui ont peur de parler aux journalistes.
Une fois que les interviews sont réalisées, il y a encore un travail fastidieux qui est le dérushage des entretiens. Il s’agit d’une écoute très précise de toutes les interviews pour ne pas oublier d’informations importantes. Et quand on se lance dans la rédaction d’un livre, ce sont plusieurs mois de travail supplémentaires. Je ne parle pas du salaire, car c’est l’objet d’une autre question.
En participant à Globe Reporters, vous allez découvrir que « fabriquer de l’information » prend beaucoup plus de temps qu’on ne le pense. Que c’est un vrai métier et que ceux et celles qui le font s’appellent des journalistes.

- En quoi consiste le travail d’un journaliste ?

Comme pour les enseignants, le travail au quotidien des journalistes peut avoir de nombreux visages. Être enseignant dans une école primaire, dans un collège et enseigner l’histoire, dans un lycée et enseigner des SVT, en université, etc. La profession est la même : enseigner. Mais la pratique du métier est très différente. C’est la même chose pour les journalistes. Travailler pour la télévision, une radio, un journal, être au bureau des sports ou suivre la politique, etc. La profession est la même : raconter le réel. Mais la pratique du métier est très différente.
Voici MA définition du journalisme que je pratique : raconter des histoires vraies. Contrairement à un romancier, je n’ai pas le droit d’inventer. Pour avoir donc des choses à raconter, je dois faire des reportages et des interviews.

- Depuis quand ce métier existe-t-il ?

Je ne sais pas trop quoi vous répondre. Il existe des livres d’histoire du journalisme. Il faudrait mener des recherches sur Internet.
Je profite de votre question pour dire qu’en France, nous avons la chance d’avoir un gouvernement qui respecte la liberté d’expression. Cela veut dire qu’un journaliste ne va pas en prison pour un article qu’il a écrit. Ce n’est pas le cas dans tous les pays. Dans beaucoup de pays, les journalistes peuvent se retrouver emprisonnés juste pour avoir fait leur travail et écrit quelque chose qui ne plaît pas aux autorités de ce pays. Pour en savoir plus, il faut aller sur le site de Reporters sans frontières.

- Quelles études faut-il faire (et combien d’années) pour devenir journaliste ?

Cela dépend des pays. En France, il existe une dizaine d’écoles de journalisme. Il y a aussi des filières universitaires. L’ONISEP a une fiche à ce propos. D’une manière générale, il est donc préférable de faire plusieurs années d’études après le Bac. Mais on peut aussi devenir journaliste sans faire des études de journalisme. Moi, j’ai fait des études d’Histoire avant de m’orienter vers le journalisme. D’autres font des études de Science politique ou d’Économie.
Il est préférable d’avoir une bonne culture générale pour faire ce métier. Parler plusieurs langues est aussi un atout si on veut travailler comme correspondant à l’étranger par exemple.

- Quel est le salaire d’un journaliste ?

Le journalisme, c’est un peu comme le foot. Il y a quelques « stars » qui sont très bien payées, mais la grande majorité des journalistes vivent de plus en plus mal de leur métier. Le journaliste, comme d’autres professions, est aujourd’hui en voie de précarisation.
Un journaliste peut être salarié d’un média. Dans ce cas, il ne travaille que pour ce média et touche un salaire à peu près équivalent à ce que peut gagner un enseignant.
Un journaliste peut aussi être freelance ou indépendant ou pigiste. Il peut collaborer à plusieurs médias et ne touche de l’argent que lorsqu’il publie ou diffuse un reportage (on parle de pige).
Du côté des journalistes salariés, les médias aujourd’hui licencient plus qu’ils n’embauchent. Même les médias publics comme Radio France qui vient d’annoncer des centaines de licenciements ces prochaines années.
Du côté des journalistes indépendants (ce qui est mon cas), il est de plus en plus difficile de publier un reportage et les médias payent de moins en moins. J’ajoute qu’un reportage peut demander plusieurs journées, voire des semaines de travail et que souvent des frais sont nécessaires qui sont de moins en moins remboursés par les rédactions.
C’est pour cela que la passion est nécessaire pour faire ce métier. Malgré tout, beaucoup l’abandonne faute de pouvoir en vivre correctement. Certains s’orientent vers la Communication, ce qui n’a rien à voir avec l’Information.
Et je me dois de parler de l’histoire d’Arnaud DUBUS, un ami qui travaillait en Thaïlande depuis la fin des années 1980. C’était un très bon journaliste, sans aucun doute le meilleur journaliste francophone de l’Asie du Sud-est. Il a collaboré avec tous les grands médias, participé à plusieurs livres, rendu possible la réalisation de nombreux films. J’en parle au passé parce qu’Arnaud s’est suicidé en avril 2019 par désespoir, ne parvenant plus à faire vivre sa famille de son métier.

- Quels sont les horaires d’un journaliste ?

Pour les journalistes salariés, on dit souvent qu’on sait à quelle heure on commence à travailler, mais jamais à quelle heure on va finir. Il suffit qu’une actualité surgisse et les rédactions se mobilisent pour la traiter quitte.
Pour les journalistes indépendants, j’ai tendance à penser qu’on travaille tout le temps. Un peu comme un artiste peintre ou un romancier qui pense tout le temps à son travail, à son œuvre.

- Quels matériels faut-il pour être journaliste ?

Cela dépend du média pour lequel on travaille. Radio, télévision, presse écrite… Un journaliste indépendant a toujours avec lui son ordinateur et un magnétophone pour enregistrer ses interviews et ne pas perdre d’informations. Après, cela dépend des médias avec qui on collabore.

- Comment se déroule la « journée type » d’un journaliste ?

La journée de tous les journalistes est rythmée par les conférences de rédactions. Dans les médias qui diffusent de l’information au quotidien, il y a au moins 2 conférences de rédaction par jour (le matin et l’après-midi). C’est à ce moment-là que les rédacteurs en chef décident des reportages à réaliser.

- Est-ce que les mots journaliste et reporter veulent dire la même chose ? Tous les journalistes sont-ils des reporters et les reporters, tous des journalistes ?

Je ne vois pas de différence puisque tous font des reportages.
Par contre, il y a des différences entre les journalistes de desk (qui travaille essentiellement à leur bureau, au sein de la rédaction), les journalistes correspondants qui vivent dans un pays tout en travaillant pour la rédaction en France et les journalistes envoyés spéciaux qui vont partir en reportage à l’étranger pendant un quelques jours puis revenir à la rédaction.

- Tous les journalistes parlent-ils plusieurs langues ?

Je ne connais pas de journalistes qui ne maitrisent pas au moins l’anglais parce que je connais surtout des gens qui s’occupent d’Internationale. 

- Un journaliste peut-il travailler sur tous les sujets qui existent, ou est-il obligatoirement « spécialisé » ?

Pour faire un bon travail, il est préférable d’être « spécialisé » sur une thématique, ou un pays, ou une région du monde. Ce qui ne veut pas dire qu’au bout d’un certain temps, il n’est pas possible d’évoluer vers d’autres centres d’intérêt.
Dans la réalité, aujourd’hui certaines rédactions demandent aux journalistes de travailler sur un peu tout. Ce qui a pour conséquence des journalistes qui posent des questions stupides ou parlent de pays qu’ils ne savent même pas situer sur un planisphère. Imaginer un professeur d’histoire, enseigner le russe du jour ou lendemain.

- Faut-il toujours voyager, se déplacer pour trouver des informations ?

Le terrain, la rencontre avec les gens, les accompagner dans leur vie quotidienne est la seule manière de ramener des histoires intéressantes et des informations de qualité. Malheureusement, les rédactions envoient de moins en moins les journalistes en reportage, car cela coûte de l’argent. D’où une qualité de la presse qui décline. D’où des gens qui lisent moins les journaux ou regardent moins la télévision (ils n’ont pas forcément tort). Le gros problème est qu’une presse de qualité est une garantie de démocratie. Dans les dictatures, il n’y a pas de presse libre et les gens ne sont pas informés. Que vont devenir nos démocraties, si la qualité de la presse n’est pas préservée ?

- Pour vous, quelle est la principale qualité que doit avoir un journaliste ?

Selon moi, pour être journaliste, il faut avant tout être curieux, avoir envie d’aller à la rencontre des autres, aimer raconter des histoires et être passionné.

- Qu’est-ce qui vous a fait choisir ce métier ? Y pensiez-vous déjà quand vous étiez au collège ?

Je n’y pensais pas quand j’étais au collège, même si j’écoutais beaucoup la radio, contrairement à la télévision qui ne m’a jamais intéressé.
J’ai commencé à lire la presse après le bac, quand je suis allé à l’université. Très vite, je lisais plusieurs journaux par jour. Normal qu’un jour je décide de passer de l’autre côté, et que de lecteur je devienne rédacteur.
J’ai fait aussi ce métier pour assouvir mon envie de voyager. J’ai vécu en tant que correspondant en Amérique latine (Chili et Colombie) et en Asie (Corée du sud). J’ai aussi voyagé dans de nombreux pays en Europe et Afrique pour faire des reportages. Mais je précise que les journalistes ne sont tous des grands voyageurs. D’ailleurs, les rédacteurs en chef pensent qu’avec Internet, ce n’est plus la peine de voyager pour comprendre une situation. C’est faux, mais cela permet de faire des économies.

- Avez-vous un évènement drôle qui vous est arrivé en reportage à nous raconter ?

« Drôle », pas spécialement. Par contre des moments forts, des souvenirs pleins d’émotions, des histoires incroyables, par légions. C’est d’ailleurs, de l’envie de les partager qu’est né le projet Globe Reporters.

Merci pour vos questions. En participant au projet Globe Reporters, vous allez encore mieux comprendre ce métier.

Novembre 2019

Sources photographiques

Des globe-reporters en plein reportage. La photographie est essentielle aux reportages de presse écrite.
Des globe-reporters en plein reportage. La photographie est essentielle aux reportages de presse écrite.
Du papier et un stylo, des outils toujours indispensables pour les journalistes.
Du papier et un stylo, des outils toujours indispensables pour les journalistes.
L’enregistrement sonore est indispensable pour rester fidèle aux propos des personnes interviewées.
L’enregistrement sonore est indispensable pour rester fidèle aux propos des personnes interviewées.
Une bonne interview est une interview bien préparée.
Une bonne interview est une interview bien préparée.
Des globe-reporters tunisiens en plein travail aux Assises du journalisme 2018 de Tunis.
Des globe-reporters tunisiens en plein travail aux Assises du journalisme 2018 de Tunis.
Le matériel de l’envoyé spécial des globe-reporters, Raphaël KRAFFT, en Guinée Conakry.
Le matériel de l’envoyé spécial des globe-reporters, Raphaël KRAFFT, en Guinée Conakry.
La prise de son est un vrai métier. De nombreux détails de la photo montrent que nous avons affaire dans ce cas à des amateurs.
La prise de son est un vrai métier. De nombreux détails de la photo montrent que nous avons affaire dans ce cas à des amateurs.
La photo souvenir d’une interview.
La photo souvenir d’une interview.
Un ancien mineur des Hauts-de-France répond aux globe-reporters.
Un ancien mineur des Hauts-de-France répond aux globe-reporters.
Le secret d’une bonne photo est de prendre celle que tous les autres photographes n’ont pas prise.
Le secret d’une bonne photo est de prendre celle que tous les autres photographes n’ont pas prise.
Un globe-reporters aux Assises du journalisme de Tunis en novembre 2018.
Un globe-reporters aux Assises du journalisme de Tunis en novembre 2018.
L’envoyée spéciale des globe-reporters, Elodie AUFFRAY, en Roumanie.
L’envoyée spéciale des globe-reporters, Elodie AUFFRAY, en Roumanie.
Des globe-reporters en plein reportage. La photographie est essentielle aux reportages de presse écrite.
Du papier et un stylo, des outils toujours indispensables pour les journalistes.
L’enregistrement sonore est indispensable pour rester fidèle aux propos des personnes interviewées.
Une bonne interview est une interview bien préparée.
Des globe-reporters tunisiens en plein travail aux Assises du journalisme 2018 de Tunis.
Le matériel de l’envoyé spécial des globe-reporters, Raphaël KRAFFT, en Guinée Conakry.
La prise de son est un vrai métier. De nombreux détails de la photo montrent que nous avons affaire dans ce cas à des amateurs.
La photo souvenir d’une interview.
Un ancien mineur des Hauts-de-France répond aux globe-reporters.
Le secret d’une bonne photo est de prendre celle que tous les autres photographes n’ont pas prise.
Un globe-reporters aux Assises du journalisme de Tunis en novembre 2018.
L’envoyée spéciale des globe-reporters, Elodie AUFFRAY, en Roumanie.