Le fils du capitaine

Publié le 7 décembre 2018

Que faire un dimanche à Conakry ? Et pourquoi ne pas prendre le large ? Notre envoyé spécial joue à l’explorateur de mer.

Carnet de route

Cher(e)s Globe-reporters,

Je vous écris depuis Conakry alors que je devrais me trouver depuis plusieurs jours dans la région des Monts Nimba avec Carol Valade, le correspondant de RFI en Guinée. Malheureusement, le 4x4 que nous avions loué est tombé une première fois en panne puis une seconde fois. Une chance puisque Carol a ensuite été victime d’une crise de paludisme ce qui aurait été très ennuyeux si elle était survenue en plein voyage dans l’intérieur du pays. Rassurez-vous, il va mieux et nous partirons bientôt dans un nouveau 4x4 en bon état cette fois. Du moins, on l’espère !

Ce sont les vicissitudes du reportage dans un pays comme la Guinée où l’on pense pouvoir maîtriser le temps et le cours des choses alors qu’il faut constamment s’adapter, improviser et prendre la vie avec philosophie. Face à ma déception de devoir reporter le départ, Carol m’a rassuré et m’a dit “tu verras, tout s’arrange en Guinée”. N’ayant rien prévu d’autre que d’avaler les kilomètres jusque dans l’intérieur du pays, il a fallu que je me remette en quête de nouveaux reportages à vous envoyer. Mais que faire un dimanche alors que tout le monde se repose ?

Je me suis rendu illico dans l’archipel des îles de Loos pour profiter de la mer et de la nature et partager avec vous cette expérience. Je me suis joint à l’équipée de deux couples de Français pour sauter dans la pirogue qu’ils avaient loué au départ du port de Boulbinet situé à l’extrême pointe de la presqu’île de Conakry. L’archipel tirerait son nom de celui donné par les navigateurs portugais qui le découvrent au 15ème siècle et le baptise Ilhas dos los Idolos, les iles des Idoles. Longtemps utilisé comme dépôt d’esclave jusqu’à la moitié du 19ème siècle, l’archipel de Loos eut une importance considérable dans le commerce triangulaire. Il est composé de trois îles principales, Kassa, Tamara et Roume. C’est sur cette dernière, la plus petite de l’Archipel, que je me suis rendu.

Après quarante minutes de traversée, quelle ne fut pas ma surprise de trouver des musiciens jouer la lambada avec des instruments traditionnels pour nous accueillir sur la plage qui tient lieu à Roume de débarcadère ! Je me voyais déjà sur L’île au trésor de Robert Louis Stevenson dont on dit que Roume aurait inspiré l’auteur écossais, pure légende selon les historiens, pour attirer le touriste. On s’y croirait pourtant : l’île longue de deux kilomètres et large de 350 mètres est recouverte de manguiers, fromagers, baobabs et autres palmiers qui s’inclinent au-dessus de la mer battue par les vagues dans sa partie méridionale. Elle porte le nom d’Ernest Roume, ancien gouverneur de l’Afrique-Occidentale Française qui y possédait une maison où il se retirait pour se reposer.

Celle-ci a été transformée en hôtel-restaurant et domine une plage où je suis allé tremper mes pieds parmi une population de baigneurs essentiellement composée d’expatriés européens, de riches négociants libanais, d’ingénieurs chinois et de membres de la bourgeoisie guinéenne. Ici comme ailleurs en Guinée, l’opulence côtoie souvent la misère la plus extrême. Les habitants de Roume, pêcheurs pour la plupart, semblent peu profiter des retombées financières liées au tourisme et gagnent un peu d’argent dans le transport des touristes, la vente de coquillages et d’artisanat importé du continent.

Le crépuscule venu, je me suis embarqué dans la pirogue de Monsieur Sow assisté de son fils Idrissa. Après la manœuvre de départ, Idrissa est venu s’asseoir à côté de moi. Il a timidement engagé la conversation en me demandant combien coûtait mon téléphone que je tenais en main. À cause de la grève des professeurs qui dure depuis des mois, Idrissa n’a toujours pas pu aller à l’école depuis la rentrée des classes en septembre. Au ton qu’a pris sa voix et à la façon dont il a ensuite regardé l’horizon, j’ai compris qu’il semblait vraiment en souffrir. Je lui ai alors demandé s’il avait lu L’île au trésor et les aventures du jeune Jim Hawkins comme mousse sur l’Hispaniola. “Non mais j’aime bien lire” m’a-t-il répondu. Arrivés au port de Boulbinet, je lui ai promis de lui rapporter un exemplaire de ce livre lors de mon prochain voyage en Guinée. Au printemps prochain, comme je l’espère.

Sources photographiques

Le port de Boulbinet, situé à l’extrême pointe de la presqu’île de Conakry.
Le port de Boulbinet, situé à l’extrême pointe de la presqu’île de Conakry.
Au large, l’archipel des Idoles.
Au large, l’archipel des Idoles.
Navigation entre Conakry et les îles au large de la capitale.
Navigation entre Conakry et les îles au large de la capitale.
Après 40 minutes de navigation, la vigie s’écrit « Terre ! Terre ! »
Après 40 minutes de navigation, la vigie s’écrit « Terre ! Terre ! »
Le voyage vers les iles se fait en pirogue.
Le voyage vers les iles se fait en pirogue.
Débarquement sur l’île au trésor. Non, l’île de Robinson Crusoé. Non, l’île de Roume.
Débarquement sur l’île au trésor. Non, l’île de Robinson Crusoé. Non, l’île de Roume.
Des enfants étudient la carte du trésor qui est dessinée sur le sable. Ou alors, ils jouent.
Des enfants étudient la carte du trésor qui est dessinée sur le sable. Ou alors, ils jouent.
Le week-end, les îles sont le refuge des habitants de Conakry qui ont le moyen de se payer le voyage.
Le week-end, les îles sont le refuge des habitants de Conakry qui ont le moyen de se payer le voyage.
Sur la plage de l’île de Roume.
Sur la plage de l’île de Roume.
Ce bouchon de champagne sur la plage témoigne que les visiteurs de l’île sont fortunés.
Ce bouchon de champagne sur la plage témoigne que les visiteurs de l’île sont fortunés.
Ni électricité ni eau dans les îles.
Ni électricité ni eau dans les îles.
C’est déjà la fin de la journée, il est temps de rentrer à Conakry.
C’est déjà la fin de la journée, il est temps de rentrer à Conakry.
Idrissa, le fils du capitaine.
Idrissa, le fils du capitaine.
Voilà plusieurs semaines qu’Idrissa ne va plus à l’école en raison de la grève des enseignants. Il aide son père qui est piroguier.
Voilà plusieurs semaines qu’Idrissa ne va plus à l’école en raison de la grève des enseignants. Il aide son père qui est piroguier.
Le soleil va bientôt disparaître derrière l’île de Roume.
Le soleil va bientôt disparaître derrière l’île de Roume.
De retour à Conakry après un dimanche d’embruns, de sable et de soleil.
De retour à Conakry après un dimanche d’embruns, de sable et de soleil.
Notre envoyé spécial promet à Idrissa de lui ramener le roman l’île au trésor lors de son prochain voyage.
Notre envoyé spécial promet à Idrissa de lui ramener le roman l’île au trésor lors de son prochain voyage.
Le port de Boulbinet, situé à l’extrême pointe de la presqu’île de Conakry.
Au large, l’archipel des Idoles.
Navigation entre Conakry et les îles au large de la capitale.
Après 40 minutes de navigation, la vigie s’écrit « Terre ! Terre ! »
Le voyage vers les iles se fait en pirogue.
Débarquement sur l’île au trésor. Non, l’île de Robinson Crusoé. Non, l’île de Roume.
Des enfants étudient la carte du trésor qui est dessinée sur le sable. Ou alors, ils jouent.
Le week-end, les îles sont le refuge des habitants de Conakry qui ont le moyen de se payer le voyage.
Sur la plage de l’île de Roume.
Ce bouchon de champagne sur la plage témoigne que les visiteurs de l’île sont fortunés.
Ni électricité ni eau dans les îles.
C’est déjà la fin de la journée, il est temps de rentrer à Conakry.
Idrissa, le fils du capitaine.
Voilà plusieurs semaines qu’Idrissa ne va plus à l’école en raison de la grève des enseignants. Il aide son père qui est piroguier.
Le soleil va bientôt disparaître derrière l’île de Roume.
De retour à Conakry après un dimanche d’embruns, de sable et de soleil.
Notre envoyé spécial promet à Idrissa de lui ramener le roman l’île au trésor lors de son prochain voyage.