Le château de Peles : compatibilité entre tourisme et respect du monument historique ?

Publié le 21 mars 2024

Apprenties journalistes, Lylie, Alice, Eva, Emma, Crystal et Laura sont toutes élèves à Aumale en Normandie. Elles ont des questions à propos du au château de Peleș, à environ 50 km de Braşov, en Roumanie. Gabriela DASCALU travaille au musée national Peleș de longue date. Elle répond à leurs questions.

Sciences, cultures et patrimoine

Apprenties journalistes, Lylie, Alice, Éva, Emma, Crystal et Laura sont des élèves à Aumale en Normandie. En 2023, elles ont l’opportunité de rencontrer une classe partenaire de ce projet Erasmus Plus : les élèves du colegiu Unirea de la ville de Braşov, à l’autre bout de l’Europe, en Roumanie. Ces derniers n’ont évidemment pas manqué de leur concocter un petit programme culturel, périple qui les a menés au château de Peleș, à environ 50 km de Braşov. L’occasion, pour les Normandes, de découvrir un lieu marquant de l’histoire roumaine, dans un écrin de verdure, au cœur des montagnes des Carpates.

La visite d’un tel château - désormais reconverti en musée - est toujours riche en informations, à tel point qu’on aimerait bien en savoir davantage une fois de retour chez soi. Qui était ce roi d’origine allemande, premier souverain de l’histoire de la Roumanie et qui a fait construire ce château dans ce coin perdu de Roumanie ? À quoi servait ce château, à l’époque ? Une autre question interpelle les globe-reportrices, touristes d’un jour : comment concilier tourisme et popularité avec respect d’un monument et du patrimoine ?

Des questions qu’elles ont voulu poser à une personne qui travaille au château. Ça tombe bien : Gabriela DASCALU travaille au musée national Peleș de longue date. À la tête du département relations publiques, marketing et projets culturels, elle en connaît parfaitement les recoins, mais aussi l’histoire.

Gabriela Dascălu s’est immédiatement montrée enthousiaste à l’idée de partager l’histoire du château de Peleş avec des jeunes de Normandie. Une histoire riche qui débute en réalité avant l’installation dans le château, en 1883, du premier couple royal à la tête de la Roumanie, formé de Carol Ier et de Élisabeth de Wied. Car ces deux-là ne sont pas roumains en réalité ! La seconde est née en Prusse, le premier dans un autre château célèbre, dans la forêt noire, en Allemagne. De lignée royale, Carol Ier est même arrière-petit-fils adoptif de Napoléon.

Les liens complexes entre les familles royales européennes ne sont certes pas l’objet de ce reportage, il est cependant nécessaire ici de planter le décor et de préciser qu’à l’époque - en 1866 - la Roumanie, tout jeune pays (qui n’inclut pas alors la région de Transylvanie où se trouve notamment Braşov) créé il y a seulement quelques années, n’est pas très stable et cherche des appuis occidentaux pour asseoir sa fragile indépendance. Rien de mieux, donc, que de mettre à sa tête un souverain étranger, soutenu par les grandes monarchies européennes dont il est issu ! Celui qui va devenir premier roi de Roumanie voyage donc incognito en cette année 1866 pour la première fois en Roumanie. Une fois à Bucarest, bien qu’allemand, il prononce un discours en français, les élites roumaines étant francophones. C’est à partir de ce moment que Carol Ier va régner sur le pays, et ce jusqu’en 1914 !

Comme les élèves d’Aumale, Carol Ier visite Sinaia dès sa première venue en Roumanie, en 1866. Il adore le lieu, ses montagnes, son monastère, ses forêts. Il y retrouve un petit air de forêt Noire. C’est là qu’il veut y placer son château de tout nouveau souverain. Pourquoi ? Gabriela DASCALU nous en explique les raisons au cours de notre interview.

Le couple royal s’y sent comme chez lui. La reine, elle-même artiste renommée (sous le pseudonyme de Carmen SYLVA), Élisabeth DE WIED y fréquente les élites culturelles roumaines et européennes dans le calme des montagnes, tandis que Carol Ier, lui, s’attache à en faire un lieu central dans la diplomatie roumaine, mais aussi un château à l’avant-garde esthétique et technique.

Le roi est féru de technologies. Il veut faire du château une vitrine du progrès technique de son époque en y intégrant tout ce qui est moderne. Un pari audacieux dans la Roumanie de l’époque, à peine sorti de nombreux siècles de domination orientale et ottomane.

Dès 1883, Peles dispose de courant électrique et de chauffage central ; c’est alors tout simplement le seul château sur le continent à posséder ça ! Aujourd’hui encore, c’est le même système de chauffage qui fonctionne au château. Dès 1900, des ascenseurs électriques apparaissent, tandis qu’en 1901 sont installés des aspirateurs centraux de poussière.

Depuis 1948, le château est devenu un beau musée, le musée national Peles, lequel administre en réalité deux châteaux : celui de Peleș et celui de Pelișor, juste à côté. Les anecdotes sont légions pour chaque recoin du château. Grand amateur d’armes, Carol Ier possède une collection riche allant du 15ème au 19ème siècle, désormais entièrement visible au musée. Sur une épée destinée aux décapitations est inscrit « celui qui se fait couper la tête avec cette épée aura la vie éternelle ». L’atelier de peinture de la reine Élisabeth est lui en forme de navire viking retourné. Tout cela Gabriela, qui voue une véritable passion pour ce lieu et l’histoire de son pays, nous la raconte. 
  
Situé entre la capitale, Bucarest au sud, et Brașov au nord, le château attire les touristes. La route nationale reliant les deux villes en empruntant la vallée de Prahova est très souvent bloquée. Gabriela qui vit dans une commune non loin de Sinaia peut mettre 2h00 en été pour rentrer du travail.

C’est cette route que notre correspondant en Roumanie, le journaliste Benjamin RIBOUT, suit en cette fin février 2024. La neige se fait rare sur les cimes des deux côtés de la vallée. Pourtant orientée plein nord, la coquette station de ski de Sinaia n’a guère fait recette cette année. Cela n’a semble-t-il que peu d’impact sur le tourisme.

Le printemps s’installe déjà, les touristes viennent visiter le château et se promènent dans les allées du parc sous un grand soleil. Le prix de la visite n’est pas excessif (prix de base pour l’accès à une bonne partie de la visite : 10€ pour un adulte). Restauré entre 1975 et 1988 sous le communisme, Peleș demeure fermé jusqu’en 1990, car le terrible dictateur roumain, Nicolae CEAUȘESCU, avait l’une de ses nombreuses résidences à Foisor sur le domaine royal. Tout le périmètre était alors zone interdite.

Depuis plus de 30 ans, Roumains et étrangers se déplacent à Peles pour y voir ce que la royauté roumaine a sans doute réalisé de plus ambitieux.

Gabriela DASCALU reçoit Benjamin, tout sourire, dans son bureau situé dans l’aile administrative du château. Entourés de livres, de bois et marqueteries. Notre correspondant prend place pour évoquer un bon bout d’histoire européenne. Comment se gère un château si prisé et comment placer la jauge pour que sa popularité ne desserve pas ses atours et qu’un tel patrimoine demeure à jamais éclatant ?

Un reportage réalisé le 28 février 2024

L’entretien est réalisé en roumain. Une traduction en français est téléchargeable dans le kit pédagogique en pied d’article.

Sources photographiques

Sinaia se trouve à 136 km au nord de la capitale roumaine, Bucarest. Une route nationale souvent très fréquentée relie les deux villes © Globe Reporters
Sinaia se trouve à 136 km au nord de la capitale roumaine, Bucarest. Une route nationale souvent très fréquentée relie les deux villes © Globe Reporters
Panneau indiquant « Sinaia, station touristique d’intérêt national ». Située en plein cœur d’une vallée séparant deux parcs nationaux, la ville est historiquement la station d’hiver la plus huppée de Roumanie © Globe Reporters
Panneau indiquant « Sinaia, station touristique d’intérêt national ». Située en plein cœur d’une vallée séparant deux parcs nationaux, la ville est historiquement la station d’hiver la plus huppée de Roumanie © Globe Reporters
Allée menant au musée de Peleş © Globe Reporters
Allée menant au musée de Peleş © Globe Reporters
C’est les vacances scolaires de février en Roumanie et le musée est gratuit pour les élèves © Globe Reporters
C’est les vacances scolaires de février en Roumanie et le musée est gratuit pour les élèves © Globe Reporters
De la cour devant le château la vue est imprenable sur le massif de Bucegi. C’est dans ces montagnes qui dominent le château que se situe le domaine skiable de Sinaia © Globe Reporters
De la cour devant le château la vue est imprenable sur le massif de Bucegi. C’est dans ces montagnes qui dominent le château que se situe le domaine skiable de Sinaia © Globe Reporters
L’un des restaurants où les touristes peuvent faire une halte © Globe Reporters
L’un des restaurants où les touristes peuvent faire une halte © Globe Reporters
Le parc devant le château © Globe Reporters
Le parc devant le château © Globe Reporters
Statue de Carol Ier, premier roi de Roumanie. C’est lui qui a fait construire le château de Peleş © Globe Reporters
Statue de Carol Ier, premier roi de Roumanie. C’est lui qui a fait construire le château de Peleş © Globe Reporters
Entre 1883 et 1914 le château était un lieu de villégiature particulièrement prisé des artistes amis du couple royal © Globe Reporters
Entre 1883 et 1914 le château était un lieu de villégiature particulièrement prisé des artistes amis du couple royal © Globe Reporters
Photo de Karel LIMAN à Sinaia, c’est lui l’architecte tchèque du château © Globe Reporters
Photo de Karel LIMAN à Sinaia, c’est lui l’architecte tchèque du château © Globe Reporters
Gabriela DASCALU dans son bureau, juste avant notre interview © Globe Reporters
Gabriela DASCALU dans son bureau, juste avant notre interview © Globe Reporters
La salle des armes, l’une des plus appréciées des touristes du fait de la richesse de la collection : plus de 4 000 armes européennes et orientales © Globe Reporters
La salle des armes, l’une des plus appréciées des touristes du fait de la richesse de la collection : plus de 4 000 armes européennes et orientales © Globe Reporters
L’un des salons du château © Globe Reporters
L’un des salons du château © Globe Reporters
Le hall du musée © Globe Reporters
Le hall du musée © Globe Reporters
Le château regorge de salons © Globe Reporters
Le château regorge de salons © Globe Reporters
La fin de visite rime avec achats de souvenirs, livres et brochures pour ramener un « bout » d’histoire du château chez soi © Globe Reporters
La fin de visite rime avec achats de souvenirs, livres et brochures pour ramener un « bout » d’histoire du château chez soi © Globe Reporters
Sinaia se trouve à 136 km au nord de la capitale roumaine, Bucarest. Une route nationale souvent très fréquentée relie les deux villes © Globe Reporters
Panneau indiquant « Sinaia, station touristique d’intérêt national ». Située en plein cœur d’une vallée séparant deux parcs nationaux, la ville est historiquement la station d’hiver la plus huppée de Roumanie © Globe Reporters
Allée menant au musée de Peleş © Globe Reporters
C’est les vacances scolaires de février en Roumanie et le musée est gratuit pour les élèves © Globe Reporters
De la cour devant le château la vue est imprenable sur le massif de Bucegi. C’est dans ces montagnes qui dominent le château que se situe le domaine skiable de Sinaia © Globe Reporters
L’un des restaurants où les touristes peuvent faire une halte © Globe Reporters
Le parc devant le château © Globe Reporters
Statue de Carol Ier, premier roi de Roumanie. C’est lui qui a fait construire le château de Peleş © Globe Reporters
Entre 1883 et 1914 le château était un lieu de villégiature particulièrement prisé des artistes amis du couple royal © Globe Reporters
Photo de Karel LIMAN à Sinaia, c’est lui l’architecte tchèque du château © Globe Reporters
Gabriela DASCALU dans son bureau, juste avant notre interview © Globe Reporters
La salle des armes, l’une des plus appréciées des touristes du fait de la richesse de la collection : plus de 4 000 armes européennes et orientales © Globe Reporters
L’un des salons du château © Globe Reporters
Le hall du musée © Globe Reporters
Le château regorge de salons © Globe Reporters
La fin de visite rime avec achats de souvenirs, livres et brochures pour ramener un « bout » d’histoire du château chez soi © Globe Reporters

Sources sonores

  • Pouvez-vous vous présenter ?

  • Pouvez-vous faire un bref rappel de l’histoire du château et en quoi est-il important pour les Roumains ?

  • Qui vient visiter le château ?

  • Quelle est la salle qui plaît le plus ? Pourquoi selon vous ?

  • Combien de touristes par jour pouvez-vous accueillir et est-ce que vous atteignez régulièrement la jauge maximale ?

  • Avez-vous observé une évolution de la fréquentation et comment gérez-vous l’afflux de visiteurs ?

  • Estimez que le nombre de touristes mette en péril le château ?

  • Quelles dégradations constatez-vous avec cet afflux de touristes ?

  • Quelles précautions prenez-vous pour protéger le patrimoine du château et son environnement ?

  • Quels moyens humains et financiers cela demande-t-il ?

  • Comment concilier la popularité du lieu avec le respect de son intégrité ?

  • Est-il difficile d’entretenir un château comme cela en Roumanie ? Y a-t-il des spécialistes, des artisans, etc. formés et compétents pour cela ?

  • Quels conseils pourriez-vous donner aux futurs visiteurs pour qu’ils soient des touristes responsables ?

  • Avez-vous un message pour les élèves français de Normandie qui sont venus visiter le château l’an passé ?