Le bénévolat, une expérience enrichissante

Publié le 19 février 2023

Alma, Sabrina et Larisa du colegiu Unirea de la ville de Brașov, l’une des grandes villes de Transylvanie, en Roumanie, ont assisté à l’arrivée de réfugiés ukrainiens dans leur ville. Elles ont vu quelque lycéens s’impliquer pour aider ces réfugiés et notamment leur enseigner le roumain comme Carina BITEZ qui partage son expérience.

Droits humains, solidarités et citoyenneté

Alma, Sabrina et Larisa sont élèves en première dans la classe de XIème C au colegiu Unirea de la ville de Brașov, l’une des grandes villes de Transylvanie, en Roumanie. Dans les jours et les semaines qui ont suivi le déclenchement de la guerre en Ukraine, pays qui partage 650 km de frontières avec la Roumanie, elles ont assisté à l’arrivée de réfugiés dans leur ville. Elles ont aussi vu certains de leurs collègues lycéens s’impliquer pour aider ces réfugiés et notamment leur enseigner le roumain. Carina BITEZ est l’une de ces élèves qui se sont impliquées dans ce projet atypique puisque d’élève/lycéenne celle-ci s’est retrouvée du jour au lendemain professeure de roumain.

Comment s’improvise-t-on professeur de roumain alors qu’on est encore soi-même simplement au lycée ? Comment réagit-on, lorsque du pays voisin en guerre, des milliers de personnes de tous âges viennent trouver refuge dans sa ville pour une période indéterminée, sans aucun contact sur place et sans parler la langue du pays ? Ces questions, Alma, Sabrina et Larisa se les sont posées brutalement à partir de février 2022 et l’invasion russe en Ukraine.

En quelques jours, elles ont vu arriver des femmes accompagnées de leurs enfants et de personnes âgées, toutes dépendantes de l’aide que les Roumains pouvaient leur offrir. Beaucoup ne sont pas restés les bras croisés, ça a été le cas pour pas mal de leurs collègues au sein même du colegiu Unirea. C’est aussi le cas de Carina BITEZ qui possédait, de base, un atout dans sa manche : elle veut plus tard enseigner une langue étrangère, en l’occurrence le français.

Or, apprendre la langue du pays où l’on se retrouve, même temporairement, est une priorité pour des réfugiés afin de se débrouiller dans leur nouvelle vie. Justement, comment fait-on pour repartir de zéro dans un nouveau pays alors que le sien est toujours en guerre ? Comment trouver un logement ? Comment faire en sorte de survivre et d’aller de l’avant ?

Outre le fait d’enseigner une langue pour la première fois à d’autres personnes, Carina, 17 ans, voulait également en savoir plus sur ces personnes réfugiées dans son pays. Elle s’est dès lors rendue disponible, quitte à se déplacer 3h00 aller-retour et ce chaque samedi pendant plusieurs semaines.

C’est ce qu’elle raconte à notre correspondant en Roumanie, le journaliste Benjamin RIBOUT, venu l’interviewer au collège qui est situé en plein cœur de Brașov le mercredi 15 février 2023. Une journée d’hiver comme tant d’autres en Transylvanie avec la neige présente dans les rues de la ville.

Benjamin traverse d’ailleurs les montagnes des Carpates pour venir jusqu’à l’école. Un sacré périple !

Une interview réalisée le 15 février 2023

Pouvez-vous vous présenter pour les journalistes d’EMICE+ ?

Je suis Karina. J’ai 17 ans. Je vis à Brasov. Je suis étudiante au collège national UNIREA.

En quoi consiste concrètement ce projet d’apprentissage du roumain aux jeunes Ukrainiens réfugiés à Brasov ?

Quand la guerre a commencé, des gens ont été obligés de s’enfuir dans les pays voisins pour se réfugier. Brasov a offert une aide à ces personnes. Une association de la ville a monté des projets pour apprendre le roumain aux femmes ukrainiennes. Il n’y avait que des femmes, car les hommes ont été obligés de rester en Ukraine pour se battre. Nous avons accueilli des femmes et des enfants. Ces femmes pour trouver un emploi, un logement, pour communiquer, avaient besoin d’apprendre le roumain.

Avec quelles catégories d’âge avez-vous travaillé ? A-t-il été plus difficile de travailler avec certaines catégories d’âges en particulier ?

J’ai travaillé avec une dizaine de femmes et 1 homme. Je préfère travailler avec des enfants, mais là j’ai travaillé avec des adultes. Les enfants étaient tristes et perdus. Ils ne voulaient pas apprendre notre langue. Les femmes connaissaient bien l’anglais. Nous avions une langue commune pour échanger.

On faisait des jeux pour apprendre les mots importants, des expressions utiles, les verbes les plus utilisés en roumain.

Je ne suis pas restée très longtemps dans le projet pour des raisons personnelles. J’ai participé pendant 6 semaines.

Les cours étaient le samedi et j’ai déjà beaucoup de choses à faire le week-end. Le lieu était aussi très éloigné de mon domicile. Cela me prenait toute la journée. Et j’ai ressenti que ce n’était pas vraiment ma place. Une femme ukrainienne qui était professeure d’anglais m’a reproché ma manière d’enseigner. Elle avait beaucoup d’attentes. Son attitude m’a déçu et j’ai finalement arrêté.

Pourquoi avez-vous décidé de participer à ce projet ? Quelles étaient vos attentes au départ et qu’est-ce qui vous a surpris (en bien ou en moins bien) en lien avec cette activité ?

J’ai découvert ce projet grâce à un professeur de roumain qui avait envoyé un message de présentation du projet à la classe. J’ai tout de suite eu envie de participer. C’était instinctif. Peut-être parce que je pense devenir professeure. Je pensais que participer à ce projet pourra m’aider par la suite. Nous étions aussi tous tristes de la guerre et j’avais besoin d’aider d’une manière ou d’une autre. Je me suis porté bénévole pour aider ces femmes.

Est-ce que cela a été une expérience enrichissante ?

J’ai appris beaucoup de choses. À être plus patiente, à écouter ces personnes. Mais je ne sais pas si j’ai été très utiles, car je ne suis pas restée longtemps dans le programme. Pour moi, cela a été une expérience unique.

Comment s’improvise-t-on professeur de langue à votre âge ? Est-ce facile ?

J’ai eu des difficultés. Par exemple, je comprends bien l’anglais, mais je le parle plus difficilement. C’était difficile pour moi de communiquer avec ces femmes. Je pense m’être quand même bien débrouillé.

Cette expérience vous donne-t-elle envie de faire ce métier par la suite ?

J’ai envie de devenir professeure de français ou de musique. Je joue de la guitare. Ce projet confirme mon envie d’enseigner. J’ai plus confiance en moi. Mais j’aurais préféré travailler avec les enfants.

Que saviez-vous des réfugiés et de la guerre en Ukraine avant de commencer cette activité ?

Je ne connaissais rien de ces personnes. Je m’attendais à trouver des femmes tristes et bouleversées par leur situation qui essayaient de construire une nouvelle vie. Ces femmes et leurs enfants étaient dévastés. Cela m’a beaucoup touché. C’était très dur pour moi. Cela m’a affecté. Et cela a alimenté encore plus mon désir de les aider.

Avez-vous tissé un lien particulier avec eux ? A-t-il été difficile de communiquer avec eux, pour quelles raisons, et comment êtes-vous parvenus à surmonter cette difficulté ?

Oui. J’ai réussi à créer des liens avec 2 filles. J’ai beaucoup parlé avec une fille qui s’appelle Oxana. Nous avons échangé nos téléphones et nous nous sommes appelés souvent pendant une période. Elle me racontait sa vie en Ukraine, comment la guerre a commencé ? Comment elle s’est enfuie ? Cela fait un moment que je n’ai plus de nouvelle. Je devrais lui écrire pour savoir comment elle va.

J’ai aussi connu une femme qui s’appelait Tania. Une amie l’a invitée chez elle pour passer une journée ensemble. Elle avait des enfants. Nous avons joué avec ses enfants.

Il y a aussi une histoire entre mon amie Sabrina et une jeune femme de 20 ans avec qui elle a beaucoup parlé. Sabrina a pleuré ce jour-là. C’était très émouvant.

En quoi votre vision de la guerre, de l’Ukraine, de la Russie, ou des réfugiés en général a-t-elle évolué à cette occasion ?

Cela n’a rien changé. Je m’attendais à trouver des femmes déprimées. C’est ce qui s’est passé.

De ce que vous racontent ces jeunes ukrainiens, avez-vous le sentiment que Brasov et la société roumaine parviennent à les intégrer ?

Oui et non. Quand la guerre a commencé, tout le monde a été actif et avait le désir d’aider, de donner des choses, de s’impliquer dans les actions de bénévolat. Mais aujourd’hui, presque un an après le début de la guerre, beaucoup ont oublié tout cela. Les réfugiées sont encore là, mais les Roumains n’ont plus la même priorité de s’impliquer. Je dois reconnaître que moi aussi, je ne m’implique pas.

Aujourd’hui, certaines femmes ont trouvé un travail, des logements. Ces femmes avaient une bonne opinion des Roumains.

Ce projet vous a-t-il donné envie de vous impliquer davantage pour aider les réfugiés ?

Pour être honnête, non. Je n’ai pas continué ce projet. Je n’ai pas eu d’autres occasions. Si on me demande d’aider et de faire des choses dont je suis capable, j’accepterai. Mais j’ai déjà ma vie et beaucoup de choses à faire.

Quelle est la plus émouvante histoire que vous ayez entendue ?

Je ne connaissais pas les détails de leur vie. Je leur ai demandé quelle était leur profession en Ukraine, mais je n’ai pas cherché à en savoir plus.

Sources photographiques

Paysage des Carpates © Globe Reporters
Paysage des Carpates © Globe Reporters
Petite église sur la route de Brașov © Globe Reporters
Petite église sur la route de Brașov © Globe Reporters
Panneau signalant l’entrée dans le département de Brașov au passage du col © Globe Reporters
Panneau signalant l’entrée dans le département de Brașov au passage du col © Globe Reporters
Paysage enneigé sur les montagnes au-dessus de Brașov © Globe Reporters
Paysage enneigé sur les montagnes au-dessus de Brașov © Globe Reporters
La neige a été rassemblée au milieu de la grand-rue en centre-ville © Globe Reporters
La neige a été rassemblée au milieu de la grand-rue en centre-ville © Globe Reporters
L’un des parcs en ville avec vue sur la « Tâmpa » (la Tempe en français), la colline qui surplombe Brașov et où est d’ailleurs écrit le nom de la ville © Globe Reporters
L’un des parcs en ville avec vue sur la « Tâmpa » (la Tempe en français), la colline qui surplombe Brașov et où est d’ailleurs écrit le nom de la ville © Globe Reporters
Vue du centre, avec le colegiu Unirea en bas à droite juste sous la montagne © Globe Reporters
Vue du centre, avec le colegiu Unirea en bas à droite juste sous la montagne © Globe Reporters
Carina BITEZ juste avant son interview en français © Globe Reporters
Carina BITEZ juste avant son interview en français © Globe Reporters
Carina rêve de devenir un jour professeure de français © Globe Reporters
Carina rêve de devenir un jour professeure de français © Globe Reporters
Paysage des Carpates © Globe Reporters
Petite église sur la route de Brașov © Globe Reporters
Panneau signalant l’entrée dans le département de Brașov au passage du col © Globe Reporters
Paysage enneigé sur les montagnes au-dessus de Brașov © Globe Reporters
La neige a été rassemblée au milieu de la grand-rue en centre-ville © Globe Reporters
L’un des parcs en ville avec vue sur la « Tâmpa » (la Tempe en français), la colline qui surplombe Brașov et où est d’ailleurs écrit le nom de la ville © Globe Reporters
Vue du centre, avec le colegiu Unirea en bas à droite juste sous la montagne © Globe Reporters
Carina BITEZ juste avant son interview en français © Globe Reporters
Carina rêve de devenir un jour professeure de français © Globe Reporters

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