Comment des jeunes Turcs voient l’Europe

Publié le 7 mars 2021

Toute la classe de 3ème I de l’école Notre-Dame des Champs à Uccle (Belgique) aimerait savoir ce que des jeunes Turcs de leur âge envisage l’union européenne. Comme les établissements scolaires sont fermés en Turquie pour cause de coronavirus, un appel à volontaires est lancé auprès des élèves de Saint-Benoît questionnés à distance. Voici les réponses d’Arda, Sarp et Nil.

Education, jeunesses d’Europe et sports

La dernière commande des globe-reporters est un peu complexe à satisfaire. Elle suppose en effet de rencontrer des élèves et un enseignant du Lycée francophone Saint-Benoît, qui participe également au programme Globe Reporters, pour discuter avec eux de leur perception de l’Union européenne. Or, dans toute la Turquie, les établissements scolaires sont fermés pour cause de pandémie, et en plus, la demande arrive alors qu’on entre dans une période de vacances.

Dans un premier temps, l’envoyé spécial Nicolas CHEVIRON convient avec son ami Virgile MANGIAVILANO, responsable du programme Globe Reporters à Saint-Benoît, d’attendre la rentrée, le 15 février, avec l’espoir que la fermeture des écoles prendra fin à cette date. Mais une déclaration du ministre turc de l’Education douche cet espoir. Au 15 février, seules les écoles de village rouvriront, pas les établissements dans les villes.

La seule solution, dès lors, est de réaliser ce reportage sous forme écrite, en demandant à quelques élèves de répondre aux questions depuis leur domicile ou leur lieu de vacances. Virgile se charge de constituer un groupe de volontaires et de leur transmettre les questions. Nicolas réceptionnera les réponses, les rassemblera et les mettra en forme. Le premier à se présenter pour répondre aux questions est Arda BOZDOGAN, élève de 11e (Première en France). Il est rejoint par Sarp Arda BALKAL et Nil TÜRKDÖNMEZ. Quant aux questions adressées à un enseignant, c’est Ségolène LIGER, médiathécaire au lycée Saint-Benoît, qui se porte volontaire pour y répondre.

Des entretiens réalisés entre le 4 et le 13 février 2021.

Quelle idée te fais-tu de l’Union européenne ?

Arda - Je pense que c’est une association où les pays membres peuvent avoir un réseau. De plus, les pays membres s’entraident.

Sarp - C’est un groupe de pays qui permet à ses habitants de vivre dans des conditions plus démocratiques.

Nil – C’est une association entre la plupart des pays européens, tant économique que sociale et politique.

Penses-tu que tous les pays d’Europe font partie de l’Union européenne ? Selon toi, quelles sont les conditions requises pour adhérer à celle-ci ?

Nil - Non, chaque pays fait le choix de s’engager, mais plupart des pays d’Europe font partie de cette union. Selon moi, la culture européenne est la condition primordiale pour adhérer. En disant "culture", on fait référence à l’humanisme, à l’héritage philosophique de la Grèce Antique et à un environnement démocratique et solidaire entre les citoyens. Cette union accorde par ailleurs de l’importance à l’aspect économique. Par conséquent, un autre critère pour adhérer cette union est d’avoir une économie stable et forte.

Sarp - Non, je ne pense pas que tous les pays font partie de ce groupe puisqu’il y a des critères qui sont stricts. Premièrement, il faut être gouverné par la démocratie. Ensuite, il faut que le pays ait une bonne économie afin d’être accepté par cette union.

Arda - Je ne pense pas que tous les pays d’Europe font partie de l’Union européenne. Un pays doit respecter les autres pays membres et aussi être respectueux des autres membres en cas de crise ou de problème.

Que penses-tu d’une telle association ? A ton avis, quels sont les aspects positifs et négatifs de celle-ci ?

Arda - Je pense que c’est une association qui a été mise en place avec des objectifs positifs. C’est avantageux pour les Etats membres car cela leur permet d’établir des connections et des alliances. Cependant, il y a des aspects négatifs parce qu’un grand problème peut séparer les membres en fonction de l’intérêt de leur pays. Cela peut augmenter les tensions entre les membres et créer des déchirements au sein de l’association.

Nil - Selon moi, cette association facilite la vie des citoyens des pays de l’UE grâce aux opportunité sociales et économiques qu’elle crée. Par exemple, durant la crise économique en Grèce, l’UE a renfloué la Grèce financièrement. En plus, pour les citoyens de l’UE, les frais de scolarité sont très bas dans tous les universités de l’Union. En revanche, je pense que les citoyens de l’UE ne font pas assez attention à l’actualité non-européenne et, malheureusement, cela peut aboutir à développer des préjugés concernant les pays non-européens.

Sais-tu pourquoi la Turquie ne fait toujours pas partie de l’Union européenne ? Es-tu favorable à son adhésion ?

Sarp - Nous ne sommes toujours pas dans cette organisation parce que nous avons des problèmes intérieurs. Nous avons toujours des soucis non résolus dans le domaine de l’ethnicité (les Kurdes etc.), dans le domaine du droit et bien sûr dans le domaine de la démocratie. Je serais très content si mon pays était membre de cette organisation.

Arda - Je ne suis pas sûr, mais je pense que c’est à cause des problèmes politiques qui existent entre la Turquie et certains Etats membres.

Nil - La Turquie n’a pas pu répondre aux critères établis par l’UE. Selon moi, la Turquie est un pays très multiculturel, où on peut vraiment voir un mélange des cultures occidentale et orientale. A mon avis, c’est très rare et précieux, mais les autres pays de l’UE ont des patrimoines culturels plus similaire. On peut le voir dans l’architecture, par exemple. Les bâtiments en France ne sont pas à 100% différents de ceux qu’on peut trouver en Belgique ou en Italie. Mais en Turquie, on peut voir des détails culturels appartenant à différentes civilisations rien qu’en se déplaçant d’un quartier à l’autre d’Istanbul.

D’autre part, je suis vraiment désespérée par la démocratie dans mon pays, et cela nuit aussi à l’économie. Ce n’est pas très étonnant que la Turquie ne fasse pas partie de l’UE avec une inflation sept fois plus élevée que dans l’union… Je voudrais bien que la Turquie adhère à cette association, mais je trouve que les pays européens ont de graves préjugés sur les Turcs -comme si on voyageait encore à dos de chameau. Je ne peux pas nier que des événements éloignés de l’humanisme se produisent en Turquie mais on y trouve aussi des gens qui sont vraiment très intelligents et qui n’ont malheureusement pas assez d’opportunités pour s’épanouir personnellement. En plus, je trouve que la Turquie est isolée sur la scène politique et économique, donc l’adhésion élargirait le champ de ses opportunités dans le marché mondial.

Sais-tu s’il existe des écoles européennes ? A ton avis, à quels élèves sont-elles destinées ? Comment te représentes-tu l’enseignement dans ces dernières ?

Arda - Oui, je sais qu’il existe des écoles européennes. À mon avis, ces écoles sont destinées aux élèves qui veulent étudier en Europe et/ou apprendre la culture européenne dès le plus jeune âge. Ces écoles peuvent aussi être une manière de garder ses liens avec la culture européenne pour les personnes qui sont européennes mais vivent dans un pays qui n’est pas européen.

Nil - Oui, selon moi, le but est de consolider la solidarité européenne parmi les nouvelles générations. Je pense que les élèves ont généralement des parents travaillant dans le secteur politique, voire qui travaillent pour l’UE. Je trouve cette enseignement bénéfique pour avoir une génération consciente de son patrimoine culturel commun.

A ton avis, pourquoi avoir fait de Bruxelles la capitale de l’Europe ? Connais-tu les différentes institutions européennes qui y sont implantées ?

Nil - Je ne suis pas certaine, mais, selon moi, Bruxelles est devenue la capitale de l’Europe en raison de sa localisation. On y retrouve le Parlement européen, la Commission européenne et les Conseils des ministres de l’UE y sont organisés.

Sais-tu ce qu’est la Commission européenne ? D’après toi, quel est le rôle de cette institution ?

Nil - Oui, c’est une commission indépendante des Etats qui organise les lois et le budget de l’UE et soutient les pays de l’Union sur le plan économique, social et politique.

Comment te représentes-tu les fonctionnaires européens ? A ton avis, quelles sont les qualités requises pour travailler dans une institution européenne ?

Arda - Pour travailler dans une institution européenne, je pense qu’il est important d’être dynamique. L’Europe en général a une histoire longue et riche. En même temps, c’est une institution très moderne. Donc, une personne qui travaille dans une institution européenne doit être cultivée, mais aussi capable de s’adapter rapidement à des conditions différentes et changeantes.

Nil - Selon moi, c’est un travail très prestigieux. Je pense qu’un fonctionnaire européen doit avoir une vision globale, analytique, et avoir reçu une éducation dans des universités de très haut-niveau. En plus il doit être au moins trilingue.

Dans vos cours, abordez-vous l’Europe et l’Union européenne ? Dans quelle mesure ? Que constatez-vous en général à propos des élèves ? En savent-ils beaucoup sur le sujet ? Se montrent-ils intéressés ?

Ségolène - Sauf erreur de ma part, l’Europe et l’Union Européenne est un sujet très peu abordé dans les programmes (nationaux) du ministère turc de l’éducation. Il me semble que c’est évoqué en classe de 12e (dernière année de lycée), dans le cadre d’un chapitre sur les espaces économiques dans le monde (cours de géographie). 

Toutefois, lorsque le sujet est abordé de façon informelle, les élèves se montrent effectivement très intéressés. Nos élèves ont un profil plutôt "international" et ils sont nombreux à avoir eu l’occasion de voyager ou à vouloir faire des études supérieures en Europe. En cela, la libre circulation des personnes, par exemple, a une résonance particulière pour eux.

A votre avis, l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne pourrait-elle avoir un impact sur les jeunes ? Quels avantages pourraient-ils en tirer ?

Ségolène - L’impact le plus direct, auquel on pense tout de suite, serait évidemment celui de la mobilité : la possibilité de voyager, d’étudier et de travailler dans les pays de l’Union Européenne, avec en plus des "bonus" pratiques (monnaie unique, roaming, assurances etc.).

Mais il y a aussi d’autres impacts auxquels on pense moins, comme la protection des droits fondamentaux et des libertés, puisqu’il existe par exemple des règles et des actions pour lutter contre les discriminations.

Il y aurait également des impacts moins directs liés aux infrastructures sportives et culturelles, ou à l’environnement par exemple avec des normes écologiques, des projets en faveur de solutions durables ou encore des initiatives comme le Nouveau Bauhaus européen qui a pour vocation de créer un espace de rencontre interdisciplinaire pour concevoir des nouveaux modes de vie durables, inclusifs et esthétiques.

Sources photographiques

Le chef de la délagation de l’Union européenne en Turquie, Nikolaus MEYER-LANDRUT, rencontre le maire d’Istanbul, Ekrem Imamoglu, le 14 janvier 2021 © D.R.
Le chef de la délagation de l’Union européenne en Turquie, Nikolaus MEYER-LANDRUT, rencontre le maire d’Istanbul, Ekrem Imamoglu, le 14 janvier 2021 © D.R.
L’Union européenne et la Turquie ont signé en 2004 l’accord portant sur le lancement du processus d’adhésion turc au bloc européen. © D. R.
L’Union européenne et la Turquie ont signé en 2004 l’accord portant sur le lancement du processus d’adhésion turc au bloc européen. © D. R.
Les drapeaux turc et de l’UE. © D. R.
Les drapeaux turc et de l’UE. © D. R.
Le chef de la délagation de l’Union européenne en Turquie, Nikolaus MEYER-LANDRUT, rencontre le maire d’Istanbul, Ekrem Imamoglu, le 14 janvier 2021 © D.R.
L’Union européenne et la Turquie ont signé en 2004 l’accord portant sur le lancement du processus d’adhésion turc au bloc européen. © D. R.
Les drapeaux turc et de l’UE. © D. R.

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