A l’école, le rugby tente de percer les lignes

Publié le 9 mars 2019

Razvan Roman, professeur de sport à Cluj et entraîneur de rugby, répond aux questions de Titouan, Eric, Antoine, Alban, Eva, élèves de l’école de la Porte d’Ivry et du collège Camille Claudel, à Paris.

Education et jeunesses

Pour trouver quelqu’un pour parler de rugby à l’école, cela se joue par le bouche-à-oreille : par l’intermédiaire de Marine LEDUC, une journaliste française installée à Bucarest, Elodie rencontre Sylvain MOREAU, un autre journaliste français établi dans la capitale roumaine, très intéressé par les questions sportives. Il dit à Elodie avoir entendu parler d’un jeune Français très investi dans le rugby, à Cluj, et il lui transmet son contact Facebook. 

Ce jeune rugbyman répond qu’il connaît un prof de sport qui anime une équipe de rugby dans son école. Elodie contacte ce prof, qui s’appelle Razvan Roman. C’est un passionné de rugby, ancien joueur et actuellement entraîneur d’une équipe de première division (U Cluj). Il lui explique avoir monté une petite équipe, avec des joueurs sélectionnés parmi ses élèves. Ils sont 14 et sont en classe de 5e. Ils pratiquent le rugby flag, dans lequel chaque joueur porte deux foulards à la ceinture, que les joueurs adverses doivent attraper. Il n’y a pas de contacts ni de plaquages. C’est la version du rugby pratiquée dans les écoles roumaines. L’équipe participe aux Olympiades scolaires, un tournoi qui se déroule au niveau municipal, départemental puis national. L’an dernier, l’équipe de Razvan a fini 3e du pays !

L’interview a lieu en anglais, juste avant une séance d’entraînement, à laquelle Elodie peut ensuite assister.

Pouvez-vous vous présenter ?

Je m’appelle Razvan Roman, j’ai 38 ans et je suis professeur de sport au lycée Eugen Pora à Cluj-Napoca. Je suis aussi entraîneur de rugby, à l’école et dans une équipe semi-professionnelle seniors qui s’appelle U Cluj. J’étais aussi joueur avant, mais je ne joue plus beaucoup.

Le rugby est-il beaucoup pratiqué dans les écoles de Roumanie ? 

Non, car le rugby n’est pas très populaire dans le pays, et à l’école non plus. Il y a peu de gens qui pratiquent le rugby en Roumanie, ce n’est pas très connu. Peu d’équipes jouent à un niveau national : peut-être 12-15 chez les seniors et 30-40 chez les juniors.

La Fédération roumaine de rugby a développé un projet de rugby tag dans les écoles, pour essayer de populariser ce sport.

Et vous, quel genre de rugby pratiquez-vous dans votre école ?

J’ai constitué une équipe de rugby flag, avec des enfants qui sont en 5e classe, la première année du collège en Roumanie. Ils sont 14. Je les ai sélectionnés. Ce n’est pas une classe spéciale, ce sont juste des enfants qui veulent pratiquer le rugby après l’école. Parfois, quand je les ai en cours, on fait aussi du rugby. Ou bien, quand j’ai des heures libres, je programme un entraînement.

J’enseigne aussi le rugby à mes autres classes. C’est inclus dans le programme, mais comme une discipline optionnelle. Donc il y a quelques cours, mais surtout avec les petits, en 2e et en 3e classes. Si je vois que ça les amuse, je poursuis. Je présente le rugby dans toutes les classes, sous forme de jeux, et à partir de ça, je sélectionne les enfants qui veulent aussi faire de la compétition. Mais je ne fais pas de tournoi avec les classes. Je ne crois pas que ça existe en Roumanie.

Participez-vous à des tournois ? 

Oui, tous les ans il y a les Olympiades, une compétition organisée par les ministères des Sports et de l’Education. On participe à ce tournoi, qui se tient sur 4 niveaux : local, départemental, régional et national. Tous les départements sont représentés dans cette compétition, avec 4, 5 écoles dans chaque département. Ce sont des équipes qui ne pratiquent pas régulièrement le rugby, seulement juste avant les compétitions, car ils font aussi d’autres sports à l’école. Moi je le pratique toute l’année, parce qu’avec mon équipe on participe aussi à d’autres tournois, amicaux, des coupes et toutes sortes de tournois.

Quels objectifs sont attendus de ce tournoi ?

Pour ma part, je prends les choses progressivement. J’ai commencé avec mon équipe quand ils étaient en 2e classe. La première année, mon objectif étaient qu’ils aiment le sport, qu’ils découvrent un peu ce que c’est la compétition. Puis, en 3e classe, je voulais gagner la première place dans la compétition locale, ce qu’on a fait. On a aussi remporté la première place au niveau départemental et on a atteint le niveau régional, où on a fini troisièmes. Donc pour la 3e année de rugby, quand les enfants étaient dans leur quatrième année d’école, je voulais atteindre le niveau national. Et on l’a fait : on a gagné le niveau local, départemental, régional et on a fini troisièmes au niveau national. Pour moi et pour les enfants, c’était un bel accomplissement, parce qu’on est partis de zéro. La plupart des écoles qui participent ont des enfants qui jouent au rugby en dehors de l’école, donc ils sont plus expérimentés. Mes joueurs, eux, font du foot, du judo... Ils font tous différents sports en dehors de l’école, mais ils ne font pas de rugby.

D’un point de vue plus général, le principal objectif de ces Olympiades et du développement du rugby tag dans les écoles est de permettre aux entraîneurs de repérer des jeunes qui veulent faire du rugby, pour les attirer à pratiquer en dehors de l’école, dans les clubs. Ce programme a commencé il y a 10-12 ans. Ca a été un succès dans les écoles, mais peu de jeunes vont plus loin et s’inscrivent dans des clubs. Parce que le rugby n’est pas très populaire et les parents ont peur de passer au niveau supérieur, avec des plaquages et des contacts physiques. J’espère qu’on arrivera à attirer plus d’enfants vers le rugby, parce qu’on a de grandes valeurs.

Combien de temps pour s’entraîner ? 

On pratique deux fois par semaine, d’habitude, et on passe à 3 ou 4 fois par semaine quelques semaines avant le tournoi.

A partir de quel âge pratique-t-on ce tournoi ?

Il y a trois catégories : une pour l’école primaire, de 7 à 11 ans, une pour le collège, de la 5e à la 8e (11 à 15 ans), puis une pour le lycée (de 15 à 19 ans). Tous les enfants du collège jouent ensemble, ce sont des équipes mixtes en âge.

Est ce un sport pratiqué par les garçons et les filles ?

Oui, c’est une équipe mixte : on doit avoir au moins deux filles en permanence sur le terrain, donc on doit en avoir au moins 3, parce que s’il y a un changement, elle doit pouvoir être remplacée.

Cette année, je n’ai que 3 filles. Mais l’an dernier, j’avais 6 filles et 6 garçons. Quelques unes jouaient d’ailleurs mieux que les garçons. Mais malheureusement certaines ont changé d’école, quand elles sont entrées au collège. Donc je n’en ai plus que 3, mais elles sont vraiment bonnes.

Quelles valeurs sont transmises ? 

Dans le rugby scolaire, je fais passer les mêmes valeurs qu’au rugby classique : intégrité, respect, solidarité, discipline et passion dans tout ce que tu fais. Ce sont six grands mots, qui veulent dire beaucoup. Ces valeurs peuvent se transférer dans la vie, c’est aussi pour ça qu’on aime le rugby et qu’on dit que c’est le meilleur sport, parce qu’il met en application toutes ces valeurs. Ca se dit sans doute dans beaucoup de sports, mais on aime penser que c’est plus vrai dans le rugby, parce que c’est vraiment dur, ça t’apprend à tomber et à te relever. Tu as aussi l’aspect équipe. C’est spécial.

Quelles règles ?

Les règles sont connectées à ces valeurs : la discipline, être à l’heure, être respectueux de tes collègues et tes adversaires. Une autre règle, c’est de s’amuser. Les enfants ont l’esprit de compétition, mais je leur répète toujours qu’il faut d’abord se faire plaisir. Si on s’amuse et qu’on s’applique, on gagne.

Ils jouent à 7 contre 7. Un match dure 14 minutes, divisé en deux périodes de 7 minutes. C’est fatigant car il y a beaucoup de course. Pour leur âge, c’est suffisamment long.

Pratique-t-on déjà des plaquages ? 

Non, c’est du rugby flag. Nous avons deux foulards. Le seul moyen d’arrêter un adversaire, c’est d’attraper ces foulards et quand tu en attrapes un, l’autre doit passer la balle. Si un joueur heurte un autre joueur, involontairement, c’est une faute et la possession de la balle change.

C’est fait pour montrer un autre aspect du rugby, montrer qu’il n’est pas si dangereux. Même si, à mon avis, si tu te prépares bien, il n’y a pas non plus de soucis de sécurité dans le rugby classique.

Quelles précautions sont prises pour la sécurité ? 

On fait toujours attention au terrain sur lequel on joue. Le plus souvent, ce sont des terrains synthétiques. Mais on joue aussi sur l’herbe, quand il fait beau. On regarde alors s’il y a pas des trous, des petites pierres. Si on est dans un gymnase, on fait attention aux équipements qu’il y a dedans.

On fait aussi attention à avoir le bon équipement, les bonnes chaussures, que les filles ne portent pas de boucles d’oreille ou de colliers, parce qu’elles peuvent se blesser.

Un dernier mot à ajouter ?

J’ai beaucoup lu sur le rugby en France, en Angleterre et dans les autres grandes nations de rugby. J’espère qu’un jour, il sera aussi populaire en Roumanie. Et aux globe-reporters, je leur souhaite de pouvoir au rugby professionnellement. Et pourquoi pas organiser un voyage avec les enfants de Cluj jusqu’en France, et vice-versa. C’est une invitation !

Sources photographiques

Razvan Roman
Razvan Roman
Il est professeur d’éducation physique au lycée Eugen Pora, à Cluj. Contrairement à ce que son nom indique, c’est une école où il y a des classes de primaire, de collège et de lycée.
Il est professeur d’éducation physique au lycée Eugen Pora, à Cluj. Contrairement à ce que son nom indique, c’est une école où il y a des classes de primaire, de collège et de lycée.
L’équipe de rugby scolaire montée par Razvan Roman compte 14 élèves, qui sont en classe de 5e (la première classe du collège, en Roumanie).
L’équipe de rugby scolaire montée par Razvan Roman compte 14 élèves, qui sont en classe de 5e (la première classe du collège, en Roumanie).
Il y a 3 filles dans l’équipe. L’an dernier, elles étaient 6, autant que les garçons.
Il y a 3 filles dans l’équipe. L’an dernier, elles étaient 6, autant que les garçons.
Passes et remontées de terrain, pour s’échauffer
Passes et remontées de terrain, pour s’échauffer
Exercice pour perforer la ligne de défense
Exercice pour perforer la ligne de défense
Percer la ligne de défense.
Percer la ligne de défense.
Pour plaquer dans le rugby flag, on retient le joueur par un foulard qui lui pend à la taille
Pour plaquer dans le rugby flag, on retient le joueur par un foulard qui lui pend à la taille
Entraînement
Entraînement
Les élèves s’entraînent deux fois par semaine.
Les élèves s’entraînent deux fois par semaine.
Avant une compétition les entraînements ont lieu 3 à 4 semaines.
Avant une compétition les entraînements ont lieu 3 à 4 semaines.
Pas de contact, ni de plaquage au rugby tag.
Pas de contact, ni de plaquage au rugby tag.
Essai marqué
Essai marqué
L’affiche du bas dit : « Rugby = intégrité + passion + solidarité + discipline + respect ».
L’affiche du bas dit : « Rugby = intégrité + passion + solidarité + discipline + respect ».
L’équipe de Razvan a remporté plusieurs coupes lors des Olympiades organisées par le ministère de l’Education. L’an dernier, ils ont terminé à la 3e place, au niveau national !
L’équipe de Razvan a remporté plusieurs coupes lors des Olympiades organisées par le ministère de l’Education. L’an dernier, ils ont terminé à la 3e place, au niveau national !
Un diplôme distribué à l’école, pour sa participation à un tournoi.
Un diplôme distribué à l’école, pour sa participation à un tournoi.
Razvan Roman
Il est professeur d’éducation physique au lycée Eugen Pora, à Cluj. Contrairement à ce que son nom indique, c’est une école où il y a des classes de primaire, de collège et de lycée.
L’équipe de rugby scolaire montée par Razvan Roman compte 14 élèves, qui sont en classe de 5e (la première classe du collège, en Roumanie).
Il y a 3 filles dans l’équipe. L’an dernier, elles étaient 6, autant que les garçons.
Passes et remontées de terrain, pour s’échauffer
Exercice pour perforer la ligne de défense
Percer la ligne de défense.
Pour plaquer dans le rugby flag, on retient le joueur par un foulard qui lui pend à la taille
Entraînement
Les élèves s’entraînent deux fois par semaine.
Avant une compétition les entraînements ont lieu 3 à 4 semaines.
Pas de contact, ni de plaquage au rugby tag.
Essai marqué
L’affiche du bas dit : « Rugby = intégrité + passion + solidarité + discipline + respect ».
L’équipe de Razvan a remporté plusieurs coupes lors des Olympiades organisées par le ministère de l’Education. L’an dernier, ils ont terminé à la 3e place, au niveau national !
Un diplôme distribué à l’école, pour sa participation à un tournoi.

Sources sonores

  • Pourquoi aimez-vous le rugby ?

Sources vidéo

Un entraînement de rugby flag