À Saïda, la mairie transforme une montagne d’ordures en espace vert

Publié le 4 février 2021

Les globe-reporters du lycée professionnel Emile Victor enquêtent sur la gestion des déchets au Liban. Après avoir interrogé les entreprises Recycle Beirut et Cedar environnemental, la rédaction s’intéresse à la transformation de la décharge de Saïda en un parc public. Mohamad EL BABA, maire de Saïda, répond à leurs questions.

Environnement et transition énergétique

La ville de Saïda se trouve à une quarantaine de kilomètres au Sud de Beyrouth. En temps normal, Sidonie aurait dû prendre un van collectif pour rejoindre la ville. Elle aurait mis une petite heure, peut-être plus avec les embouteillages.

Le van l’aurait déposée près du port, à la station de bus. Elle aurait aperçu les ruines du château de la mer, construit en 1227 par les croisés. Elle aurait sûrement pris le temps de se promener dans la vieille ville, admirer les arcades qui maintiennent les rues et les habitations au frais durant l’été, et qui font de la vieille ville de Saida un lieu touristique au Liban. Elle aurait fait quelques emplettes dans le souk : du savon, des pâtisseries, peut-être même une petite tapisserie. Elle aurait discuté avec les artisans : menuisiers, tapissiers. Avant de repartir, elle aurait pris un café à une terrasse à la sortie du souk, face à la mer.

Elle aurait rencontré Mohamad EL BABA, le maire de la municipalité, probablement dans les locaux de la mairie. Ou peut-être même directement au parc, ce fameux espace vert qui remplace l’ancienne décharge au sud de la ville. 

Mais en raison de la situation sanitaire, l’interview se fait en visioconférence. Mohamad EL BABA a tout de suite accepté de répondre aux questions des globe-reporters. La journaliste et l’élu ont mis un peu de temps ensuite à convenir d’une date.

« Excusez-moi pour le délai, mais nous avons beaucoup de choses à gérer en ce moment avec le Covid-19 ». C’est ainsi que l’entretien commence. Sidonie rassure son interlocuteur en précisant qu’elle comprend la situation. 

Les questions des globe-reporters sont pertinentes, et le sujet est intéressant. La gestion des déchets est un vrai problème au Liban. Même si les solutions ne sont pas parfaites, elles ont le mérite d’exister.

D’un point de vue journalistique, un tel projet présente un double intérêt : c’est le seul projet de ce type aujourd’hui au Liban, d’autres villes comme Tripoli s’y intéressent pour leur propre décharge.

Ensuite, c’est un projet récent, qui s’inscrit dans l’actualité : la crise des déchets. Il est donc bon d’aller questionner l’initiative. C’est ce que l’on appelle le journalisme de solutions : on part d’un problème, et on en parle sous l’angle des solutions mise en place.

Ne pouvant se rendre à Saida en raison du couvre-feu permanent instauré dans le pays depuis le 14 janvier 2021, Sidonie a demandé à Mohamad El Baba de lui envoyer des photos du parc. L’élu est très occupé en ces temps de crise, et nous publierons les photos une fois reçues.

Article publié le 4 février 2021.

Traduction de l’interview :

Pouvez-vous vous présenter ?

Mon nom est Mohamad EL BABA, je suis ingénieur civil… Je suis au conseil municipal de la ville de Saida depuis 10 ans et en particulier au comité environnemental. 

Que s’est-il passé avec cette montagne de déchets en plein centre-ville ?

Non, ce n’était pas dans le centre de la ville mais au Sud de la ville… Dans le passé, les personnes mettaient leur poubelles au loin, dans le Sud de la ville. Nous avions donc une montagne de déchets de plus de 50 ans… Imaginez 50 ans de déchets stockés là-bas… Oui, 50 ans… Vous savez, avec l’urbanisation, c’est devenu un vrai problème. Les villes sont devenus de plus en plus grandes. La première fois que nos membres du conseil nous avons promis aux citoyens de résoudre ce problème. 

Nous voulions que Saida soit une ville exemplaire au Liban. À partir de 2010, nous avons cherché des solutions pour résoudre ce problème. Puis nous avons eu la chance de recevoir 20 millions de dollars d’Arabie Saoudite. Ils nous ont promis leur aide. Nous avons aussi reçu 20 millions de dollars de la part du gouvernement. Nous avions 40 millions de dollars pour résoudre la situation. Comment pouvions-nous résoudre ce problème alors que nous continuions de recevoir tous types de déchets solides. Nous cherchions donc un lieu alternatif… nous avons eu la chance de trouver une usine proche du grand tas de déchet…. Que fait-on des nouveaux déchets ? Ils arrivent dans cette usine qui trie les déchets, récupère les matières recyclés, les rachète même… Nous avons toujours un problème avec les déchets non recyclables qui doivent pouvoir atterrir dans une décharge. Mais au moins nous avons réglé l’un des plus gros problèmes… Car à Saida, nous n’avons plus d’endroit propice à une décharge. Le gouvernement n’intervient pas, c’est un problème.

À quoi ressemblait cette montagne ? 

Nous avions donc une montagne de 105 kilomètres de volumes, de 56 mètres de haut sur une superficie de 6 hectares. C’était gigantesque ! Cela polluait l’air et la mer. On risquait aussi de répandre des maladies autour de cette zone. Cela dégradait aussi les sols. Et à chaque fois qu’il y avait des feux, les gazs étaient toxiques….

Qu’avez-vous fait ?

Nous voulions faire de notre mieux pour régler ce problème. Nous avions de l’argent. Nous avons cherché de l’aide auprès de l’UNDP. Il y avaient des consultants spécialisés sur ce projet. Ils ont commencé leur travail. Cela a pris environ deux ans. Comment ont-ils travaillé sur cette décharge ? Ils ont séparé les déchets. Ils ont commencé par trier ces poubelles. Et ils ont utilisé les sols pour les nettoyer et les transformer en jardin. Ils ont transformé l’espace en un parc de 35,000m2. Proche du parc ils ont installé une décharge. 

Si vous regardez cette images, vous voyez le parc et une décharge. Il faut 7 ou 8 ans à une décharge pour régler la situation des déchets non organiques et en particulier les rejets de gaz toxiques. Là, tout s’est bien passé alors nous avons ouvert l’un des plus grands parcs du moyen orient, d’une superficie de 100,000 m2. 

Comment ont-ils récupéré les gazs ?

Vous savez, ils ont récupéré les gaz qui proviennent des déchets organiques. Ils ont fabriqué une membrane pour recouvrir la décharge et nous ont prévenu que cette décharge pourrait être ouverte une fois les gazs neutralisés. Lorsque tout serait à nouveau sécurisé. Et ils nous ont prévenu qu’il faudrait au moins 7 ans. Chaque année, ils viennent prendre des mesures pour vérifier les rejets de gaz. Ils nous ont dit qu’il y avait très peu de rejets. 

Depuis quand le parc est-il ouvert et que s’y passe-t-il ?

Le parc a ouvert le 11 novembre 2014 au public et il y a eu beaucoup d’activité. En ce moment c’est fermé mais habituellement il y a de nombreux enfants. Il y a un théâtre, des écoles viennent, des festivals sont organisés. Nous sommes fiers que le lieu soit aussi animé. Notre rêve est devenu réalité. C’était le rêve de nombreuses personnes de notre ville !

Comment avez-vous choisi ce projet ?

Nous avions de nombreuses idées pour régler ce problème. C’était l’une des meilleures propositions : changer les poubelles en parc, c’est super. Saida est une très petite ville et en général les gens ont besoin d’espace… après ce projet, nous avons ouvert quatre autres parcs. Alors les personnes sont heureuses de pouvoir y aller et s’amuser là-bas.

Où vont les poubelles désormais ? 

Il y a une usine de tri sur le lieu désormais. Ils transforment les matières organiques en compost et le vendent. Les matériaux recyclables comme le plastique, le verre, sont récupérés. Certains matériaux ne sont pas recyclables, par exemple le bois ou les habits sales. Mais maintenant, on a un nouveau projet au niveau de la municipalité en lien avec des ONGs pour que les citoyen.ne.s recyclent directement depuis chez eux. Les matériaux partent directement pour l’usine. Autrement cela revient cher. C’est moins cher que les matériaux soient apportés directement. Et nous espérons que cela incitera les personnes à développer une culture du recyclage directement depuis leurs habitations.

Comment sensibilisez-vous la population au tri des déchets ? 

Nous avons commencé dans certaines parties de la ville de Saida… mais nous venons de commencer et nous aimerions que tout le monde participe mais nous venons de commencer. J’estimerais que 50% des habitant.e.s de Saida participent à nos actions. D’abord nous commençons dans les écoles. Nous vérifions que toutes les écoles participent, que les professeur.es. enseignent ces gestes aux élèves, que des activités soient organisées sur ce thème. Et donc je peux dire qu’à ce jour, la plupart des écoles trient leurs déchets dans des boites distinctes.

Certaines écoles sont équipés de machines qui enregistrent des bonus à chaque bouteille en plastique recyclées. Les gens participent et s’améliorent. Vous savez tout le monde aime avoir une ville propre. Les gens sont fiers de leur participation. 

Comment travaillent ces ONGs partenaires ? 

Il y en a beaucoup à Saida : la fondation Hariri par exemple… il y a une alliance entre ONGs, ce qui est une bonne idée aussi. Tout le monde travaille ensemble. Nous sommes fiers de cette collaboration. La municipalité de Saida les rencontre régulièrement chaque semaine pour discuter de ces projets.

Y-a-t-il d’autres usines de traitement des déchets ?

À Saida, nous ne traitons pas que les déchets solides, nous avons aussi une autre usine de traitement d’eau. Dans le passé les égouts partaient directement à la mer mais désormais l’eau est filtré. Nous avons un traitement des eaux fonctionnel, mais pas encore au niveau 3 qui permettrait de pouvoir avoir de l’eau potable comme en Europe ou en France. Mais pour le moment, nous n’y sommes pas.

Vous recevez une aide financière du gouvernement pour ce projet ?

Oui nous recevons de l’argent du Ministère de l’Environnement et d’autres donneurs. C’est un projet ambitieux, nous avons besoin de cette aide, c’est sûr.

Et que s’est-il passé depuis la crise des déchets ?

Rien du tout. Notre gouvernement est un peu dans le coma on dirait. C’est un projet national. Ce projet à Saida est assez unique. Mais de nombreuses municipalités cherchent des idées et viennent parfois nous consulter. À Tripoli, ils ont une décharge encore plus immense et ils ne s’en sortent pas. Ce problème des poubelles est généralisé. Certaines municipalités ont les mêmes décharges. Les déchets sont brûlés, ce qui est dangereux. Nous avons de la chance ici car nous avons trouvé une solution à notre problème.

Sources photographiques

En raison de la situation sanitaire liée au COVID-19, la rencontre avec Mohamad EL BABA se fait en visioconférence. En arrière-plan, l’élu a choisi une photo du parc. Avec un peu d’imagination, on y presque !
En raison de la situation sanitaire liée au COVID-19, la rencontre avec Mohamad EL BABA se fait en visioconférence. En arrière-plan, l’élu a choisi une photo du parc. Avec un peu d’imagination, on y presque !
En raison de la situation sanitaire liée au COVID-19, la rencontre avec Mohamad EL BABA se fait en visioconférence. En arrière-plan, l’élu a choisi une photo du parc. Avec un peu d’imagination, on y presque !

Sources sonores

  • Pouvez-vous vous présenter M. Mohamed EL BABA ?

  • Que s’est-il passé avec cette montagne de déchets en plein centre-ville ?

  • À quoi ressemblait cette montagne de déchets ?

  • Qu’avez-vous entrepris sur ce site ?

  • Que s’est-il passé concernant ces gazs toxiques ?

  • Comment avez-vous choisi ce projet ?

  • Depuis quand le parc est-il ouvert ? Que s’y passe-t-il ?

  • Comment sensibilisez-vous la population au tri des déchets ?

  • Comment travaillent ces ONGs partenaires ?

  • Y a-t-il d’autres usines de traitement des déchets ?

  • Et vous recevez une aide du gouvernement pour ce projet ?

  • Et que s’est-il passé depuis la crise des déchets ?

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