"A Maurice, 120 000 personnes vivent sous le seuil de pauvreté", Fabrice Acquillina

Publié le 13 mars 2018

Fabrice ACQUILINA est journaliste au quotidien "l’express" à l’île Maurice, et rédacteur en chef de "l’express junior", un hebdomadaire d’informations pour les enfants. Durant le séjour de votre envoyée spéciale, il a aidé Sidonie à trouver des contacts pour les différentes interviews commandées. Il répond aux questions des globe-reporters du collège de l’Etang à Saint-Paul (La Réunion).

Droits humains et solidarité

Un questionnaire sur les aides publiques à l’île Maurice aurait mérité l’interview d’une assistante sociale, ou d’un employé des services de la sécurité sociale ou bien encore du Ministère de l’intégration sociale et des solidarités. Malheureusement, le temps a manqué à votre envoyée spéciale pour obtenir ces rendez-vous. Alors qu’elle était dans des bureaux de la sécurité sociale à Rose Hill, Sidonie a été reçue par le chef du service. Mais ce dernier n’a pas pu répondre aux questions : "Il faut que vous appeliez le Ministère pour obtenir une autorisation préalable. Nous ne sommes pas habilités à parler sans cette autorisation", a-t-il expliqué. 

Parfois, certaines interviews demandent des formalités qui prennent du temps. Afin de vous éclairer sur le sujet, Fabrice ACQUILINA a accepté de prendre quelques minutes pour répondre à vos interrogations. Il a jugé bon de regrouper vos questions en quatre. Merci à lui !

Quelles sont les aides les plus connues à l’île Maurice ? 

D’abord il faut préciser une chose, Maurice est une petite île qui n’est pas particulièrement riche : il n’y a pas de pétrole, pas de diamants … Pas de ressources naturelles ! C’est important de le dire car les questions portent sur les aides publiques, c’est-à-dire les aides fournies par l’Etat. Or pour un Etat, aider, c’est redistribuer. Et on ne peut redistribuer que la richesse produite. Et bien Maurice, malgré des ressources et des richesses limitées, parvient à fournir plusieurs aides. Parmi les plus connues, il y a l’éducation gratuite. Le transport scolaire aussi est gratuit pour tous les élèves. Et les soins médicaux aussi. Cela signifie que, quand une personne malade va à l’hôpital, que ce soit pour un rhume ou pour une grosse opération du cœur : elle ne paie pas !

A Maurice, l’école est gratuite pour tous. Les transports scolaires sont également gratuits. 

Ensuite, il y a la pension de vieillesse, c’est le nom donné ici à la retraite. Après 60 ans, tous les Mauriciens ont le droit chaque mois au versement d’une pension. Plus la personne est âgée plus la somme est élevée. Avec le vieillissement de la population, près d’un adulte sur quatre touche une pension de vieillesse à Maurice.

Il y a aussi toute une série de subventions pour aider les Mauriciens dans leur vie quotidienne : des subventions pour faire baisser le prix du riz, du gaz, etc. Par exemple, prenons un gros paquet de riz dans un supermarché qui coûte 400 roupies, soit 10 euros. Et bien l’Etat paye une partie de ce montant pour soulager le porte-monnaie des consommateurs.

Mais si l’on regarde bien, l’aide la plus efficace sur une petite île ce n’est pas l’argent, mais la solidarité. Par exemple, après un cyclone, tout le monde se mobilise pour donner un coup de main. Si quelqu’un a perdu ses affaires ou sa maison, des volontaires se font connaître à la radio pour aider la famille à remplacer son frigo, ou à reconstruire sa maison. Si la solidarité n’est pas l’aide la plus connue, en tout cas, c’est la mieux partagée. 

Pourquoi mettre en place ces aides ?

 

Les aides publiques ont pour but principal de combattre la pauvreté. A Maurice, 120 000 personnes vivent sous le seuil de pauvreté, selon les derniers chiffres officiels. Ces personnes n’arrivent pas à vivre correctement, ou à faire vivre leur famille. Cela représente 10% de la population, soit 1 personne sur 10. Les enfants sont les plus touchés par la pauvreté : 1 enfant sur 7. Dans certaines régions 1 sur 3. Dans une classe, cela représente entre 4 et 10 enfants. Souvent, on pense que leurs parents ne travaillent pas. Ce n’est pas toujours vrai. A Maurice comme en France, avoir un travail ne protège pas toujours de la pauvreté. A Maurice, sur 100 personnes pauvres, 16 travaillent mais sont mal payées, ou ne travaillent que quelques heures par semaine. On les appelle les travailleurs pauvres. 


A Maurice, 10% de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté, selon les derniers chiffres officiels. 

Est-ce qu’une grande partie de la population mauricienne y a recours ?

Oui, les Mauriciens sont nombreux à utiliser ces aides. D’ailleurs, la question du ciblage des aides publiques se pose de plus en plus dans le débat politique : cibler qui ? Et bien les personnes les plus démunies. Bien sûr des aides spéciales existent pour eux, mais les aides les plus importantes concernent tout le monde : que l’on soit riche ou pauvre. Certains trouvent cela injuste, d’autres pensent au contraire qu’il faut préserver le caractère universel de ces aides. 

Qui les met en place ?

Et bien cela dépend : parfois ce sont des associations ou des ONG. D’autres fois, c’est le gouvernement qui met en place les aides. On appelle cela l’Etat-Providence. Deux ministères à Maurice sont concernés : celui de la sécurité sociale et de la solidarité nationale, et celui dédié à l’intégration sociale et à l’empowerment, un mot anglais difficile à traduire. C’est l’idée que si quelqu’un a faim il ne faut pas lui donner à manger mais lui apprendre à pêcher. Il y a donc à l’île Maurice un ministère qui essaye de faire cela.